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La créance de taxe foncière ne naît pas des besoins de la vie courante du débiteur : pas d’élection au traitement préférentiel !

Pour la Cour de cassation, la taxe foncière n’est pas une créance née pour les besoins de la vie courante du débiteur personne physique et ne peut, par conséquent, être éligible au traitement préférentiel réservé à certaines créances postérieures au jugement d’ouverture de la procédure collective.

La détermination de ce qu’est ou non une créance postérieure éligible au traitement préférentiel est un contentieux incontournable. À tout le moins, l’enjeu est important, car contrairement aux créances antérieures au jugement d’ouverture, les créances postérieures bénéficiant du traitement préférentiel sont, en principe, payées à l’échéance ou, à défaut, par privilège.

Plus précisément, en liquidation judiciaire, l’article L. 641-13 du code de commerce dispose que les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure, pour ceux du maintien provisoire de l’activité, en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur ou d’un contrat continué, ou encore pour les besoins de la vie courante du débiteur, personne physique, sont payées à l’échéance.

En réalité, l’article énonce tous les critères à réunir pour qu’une créance soit dite « éligible au traitement préférentiel » : celle-ci doit être postérieure au jugement d’ouverture, être née régulièrement au regard de la répartition des pouvoirs en procédure collective et, en dernier lieu, remplir l’un des critères téléologiques d’attribution du traitement préférentiel.

En l’occurrence, l’arrêt sous commentaire s’intéresse – pour la première fois à notre connaissance – au critère des créances « nées pour les besoins de la vie courante » du débiteur, personne physique.

L’affaire

En l’espèce, dans le cadre de la liquidation judiciaire d’un agriculteur étendue, par la suite, à son épouse, le Trésor public a porté à la connaissance du liquidateur une créance de taxe foncière relative à l’habitation du débiteur que le créancier estimait éligible au traitement préférentiel comme étant née pour les besoins de la vie courante du débiteur. N’étant pas de cet avis, le mandataire a saisi le juge-commissaire afin qu’il statue sur le caractère postérieur privilégié de la créance (C. com., art. R. 641-39, al. 3) et a obtenu gain de cause.

Le créancier a alors formé un recours devant le tribunal, lequel a réformé la décision du premier juge. Selon cette juridiction, la créance de taxe foncière devait bien s’analyser en une créance postérieure méritante, notamment parce que l’immeuble qui était imposé au titre de cette taxe constituait la résidence principale du débiteur. Ainsi la créance était-elle nécessairement née des besoins de la vie courante du débiteur.

Le liquidateur s’est pourvu en cassation à l’encontre de cette décision ; ce dernier considérant que la créance de taxe foncière ne pouvait s’analyser en une créance née pour les besoins de la vie courante du débiteur personne physique.

La Cour de cassation va faire droit à son argumentation.

La solution

Au visa de l’article L. 641-13 du code de commerce, la Haute juridiction énonce qu’il résulte dudit texte que les créances nées régulièrement après le jugement ouvrant ou prononçant la liquidation judiciaire sont payées à leur échéance, notamment si elles sont nées des besoins de la vie courante du débiteur personne physique. Or, selon la Cour de cassation, tel n’est pas le cas de la créance de taxe foncière.

Si ladite solution mérite à notre sens l’approbation, elle n’en demeure pas moins lapidaire et peut être critiquée à ce titre. Du reste, il est vrai qu’à sa lecture, l’habitué de cette rubrique peut rester pantois, car si l’on apprend aujourd’hui que la créance de taxe foncière n’est pas éligible au traitement préférentiel, les raisons de cette solution demeurent pour le moins obscures.

Face à ce constat, nous allons tenter de mettre en exergue le raisonnement ayant conduit à la solution commentée. Pour cela, il faut d’abord éviter certains pièges, pour aboutir, ensuite, à ce qui constitue à notre sens la clé du raisonnement déployé par la Cour de cassation.

Les pièges du raisonnement : le fondement des jurisprudences antérieures

La question de savoir si une créance de taxe foncière peut être éligible ou non au traitement préférentiel a déjà été présentée à la Cour de cassation. Comme en l’espèce, la Haute juridiction y avait jugé que cette créance ne pouvait être considérée comme une créance postérieure méritante au sens de l’article L. 641-13 (Com. 14 oct. 2014, n° 13-24.555 P, D. 2014. 2109, obs. A. Lienhard ; ibid. 2015. 1970, obs. P.-M. Le Corre et F.-X. Lucas ; Rev. sociétés 2014. 755, obs. P. Roussel Galle ; RTD com. 2015. 157, obs. A. Martin-Serf ).

Reste qu’aussi surprenant que cela puisse paraître et bien qu’ils énoncent, en substance, la...

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