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Le créancier face au formalisme de la lettre de contestation de créance

Pour faire courir le délai de trente jours au-delà duquel l’absence de réponse du créancier emporte interdiction de toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, la lettre adressée par ce dernier au créancier doit contenir un avertissement quant aux conséquences de son abstention par la reproduction de l’article L. 622-27 du code de commerce. Or, pour la Cour de cassation, cela doit également comprendre la mention selon laquelle l’absence de réponse du créancier n’a aucune incidence sur son droit d’exercer un recours ultérieur lorsque la discussion ne porte que sur la régularité de la déclaration de créance.

Rien de nouveau sous le soleil ! Voilà certainement la réflexion qui a traversé l’esprit de certains des habitués de cette rubrique à la lecture du chapô résumant la position adoptée par la Cour de cassation.

Au vrai, les deux arrêts ici rapportés n’effectuent qu’un rappel d’une règle ayant déjà été établie. Cela étant, ils n’en demeurent pas moins intéressants, tant le contentieux de la déclaration et de la vérification des créances est important. Il concerne, au premier rang, les créanciers institutionnels, ce dont témoignent les deux espèces commentées.

Avant d’exposer la substance de ces décisions, quelques précisions sont nécessaires.

Nous savons qu’en matière de procédures collectives, la déclaration de créance requise de la part des créanciers concernés est essentielle : seule cette dernière leur permet de participer à la procédure et maintient leur espoir d’être désintéressés. Las, une fois la déclaration effectuée, le créancier n’est toutefois pas assuré d’être pleinement satisfait. En effet, elle peut encore être contestée : là est tout l’intérêt de la procédure de vérification des créances. Par exemple, le mandataire judiciaire pourra éventuellement revoir à la baisse le montant de la créance déclarée et formuler, en conséquence, une proposition d’admission de la créance différente, voire son rejet.

Sur le plan formel, la « contestation de créance » s’effectue par le biais d’un courrier recommandé avec demande d’avis de réception envoyé par le mandataire judiciaire au créancier l’invitant à faire connaître ses explications dans les trente jours de la contestation (C. com., art. R. 624-1 et L. 622-27). Du reste, la réponse du créancier à ce courrier, et dans le délai indiqué, revêt une importance cruciale, puisqu’à défaut, il est privé du débat sur la créance devant le juge-commissaire. Pire encore, si le juge-commissaire fait exactement droit à la demande du mandataire judiciaire contestant la créance, le créancier est même privé du droit d’exercer un recours sur la décision du juge.

Toujours est-il que cette règle souffre, de longue date, d’un tempérament. En effet, lorsque la discussion porte sur la régularité de la déclaration de créance, la sanction attachée au défaut de réponse au courrier de contestation ne joue pas. Cette solution avait notamment été posée dans les cas où la discussion portait sur le défaut de pouvoir de la personne ayant procédé à la déclaration de créance (Com., 7 juill. 1998, n° 95-18.984 P, Crédit industriel de l’Ouest c/ Corre, D. 1998. 209  ; D. 1998. 1322, note A. Lienhard ; 15 nov. 2017, n° 15-26.897 NP). D’origine jurisprudentielle, ce tempérament a, par la suite, été repris à son compte par le législateur. Ainsi, l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 a-t-elle ajouté une phrase à l’article L. 622-27 du code de commerce indiquant que « le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances ».

C’est la portée de cette dernière disposition qui est au cœur des arrêts ici rapportés.

Au sein de ces deux affaires, une société a été mise en redressement judiciaire le 7 décembre 2016 et une banque a déclaré une créance ayant été contestée par une lettre du mandataire judiciaire demeurée sans...

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