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Un an d’emprisonnement avec sursis et 50 000 € d’amende ont été requis contre M. Balladur, poursuivi pour complicité et recel d’abus de biens sociaux. Deux ans d’emprisonnement, toujours avec sursis, et 100 000 € d’amende l’ont été contre M. Léotard, jugé lui pour complicité d’abus de bien sociaux.
par Pierre-Antoine Souchardle 3 février 2021
Entre « zones d’ombre » et « goût d’inachevé » dans un dossier « hors-norme », le ministère public a requis mardi des peines d’emprisonnement avec sursis à l’encontre de MM. Balladur et Léotard, poursuivis devant la Cour de justice de la République (CJR). Les faits remontent à plus de vingt-cinq ans. Selon l’accusation, la campagne présidentielle de M. Balladur en 1995 aurait été financée à hauteur de 10 millions de francs provenant de rétrocommissions sur des contrats d’armement.
Ce fut un réquisitoire à deux voix devant des chaises restées vides. Représenté par ses avocats, l’ancien Premier ministre Édouard Balladur, dont la plus grande partie de sa vie a été passée au service de l’État, s’est évité ce moment désagréable. Quant à son ancien ministre de la Défense, François Léotard, 78 ans, il a fait savoir à la CJR que son état de santé ne lui permettait plus d’assister à son procès.
Dans leur démonstration, le procureur général François Molins et l’avocat général Philippe Lagauche ont rappelé que les deux hommes ont imposé dans cinq contrats d’armement un « inutile » réseau d’intermédiaires, le réseau K, où gravitaient notamment MM. Takieddine et El Assir. K pour King, celui d’Arabie saoudite, dont il fallait gagner les faveurs.
Le montant de ces cinq contrats s’élevait à 32 milliards de francs, soit 7 milliards d’euros. Ce réseau devait toucher près 6,7 milliards de francs de commissions. Il n’en touchera que 550 millions, le président élu en 1995, Jacques Chirac, donnant des instructions pour que cesse le versement des commissions.
Ce réseau K, a rappelé le ministère public, a été imposé « à la dernière minute » par Renaud Donnedieu de Vabres, le plus proche conseiller de M. Léotard, avec l’aval de ce dernier. « À la lumière de l’instruction et des audiences, on ne peut que constater que ce réseau inutile […], a bénéficié de commissions exorbitantes et a fait parvenir en France d’importantes rétrocommissions en espèces, à une époque où se présentait aux élections présidentielles un candidat ne disposant pas de l’appui financier d’un parti politique ». Le directeur de cabinet du Premier ministre, Nicolas Bazire, a validé les arbitrages « approuvant des financements totalement inhabituels en matière de vente d’armes », a-t-il rappelé soulignant la proximité entre les deux hommes.
Dans ce dossier, a rappelé le procureur général, François Molins, tout et son contraire a été dit. « Il y a une vérité qui saute aux yeux, […] c’est qu’il y a forcément des menteurs », a-t-il asséné. Le 26 avril 1995, après la défaite de M. Balladur au premier tour, 10 250 000 F en espèces sont déposés sur le compte de campagne de M. Balladur.
Selon la défense de ce dernier, cette somme provient de la vente durant la campagne de gadgets, tee-shirts, casquettes, briquets, stylos, autocollants, etc. Une explication « totalement fantaisiste », selon le ministère public. Une autre hypothèse serait l’utilisation de fonds secrets par Matignon pour financer la campagne. Elle s’est soldée par un non-lieu.
Reste donc la piste des rétrocommissions, soutenue par le ministère public. Les 5 et 6 avril 1995, l’un des intermédiaires du réseau K a retiré d’un compte en Suisse 13 millions de francs. Pour l’accusation, ces fonds ont alimenté le compte de campagne le 26 avril. Cette thèse a été considérée comme vérité judiciaire par le tribunal correctionnel de Paris qui, en juin 2020, a condamné, entre autres, MM. Bazire et Donnedieu de Vabres à cinq ans, dont deux ans avec sursis. Ils ont fait appel.
Tout au long de son réquisitoire, le ministère public n’a eu de cesse de rappeler ces lourdes peines pour appuyer son raisonnement.
Sur la complicité d’abus de biens sociaux, le ministère public a distingué le rôle de chacun des prévenus. Celui de M. Léotard est « plus important » dans « la négociation des contrats » d’armement et l’introduction de ce réseau. Lors de l’audience, ce dernier a rappelé qu’il n’avait pas vocation à être « épicier », signifiant qu’il ne s’occupait pas des questions financières mais de l’avenir de la France.
« Les essais nucléaires, la maladie du président de la République, le Rwanda, c’est intéressant mais ça ne dit pas pourquoi il a fait payer des centaines de millions de francs à M. Takieddine », a ironisé l’avocat général Philippe Lagauche.
Si la responsabilité de M. Balladur est moindre, il a été informé « dans les grandes lignes mais de manière suffisante » de la négociation et de la conclusion de ces contrats. « Les arbitrages systématiques de son cabinet et de lui-même en faveur des montages portés par M. Léotard et son entourage sont éminemment suspects », a relevé le magistrat. Des commissions « pharaoniques ont été versées en urgence », a-t-il rappelé. « M. Balladur ne vous fera pas croire qu’il ne s’intéressait pas à ces questions, qui portaient sur des milliards de francs ».
Quant aux faits de recel d’abus de biens sociaux imputés à M. Balladur, l’accusation considère qu’il ne pouvait « ignorer l’origine délictueuse des fonds utilisés pour solder son compte de campagne ». Si ce dernier a toujours maintenu qu’ils provenaient des ventes de gadgets, le ministère public a battu en brèche sa défense. « Cette somme est nécessairement d’origine frauduleuse et […] ne peut qu’être le fruit d’un recel d’abus de biens sociaux au préjudice » des sociétés d’État.
Le ministère public a demandé, « avec la plus grande conviction » à la CJR de « déclarer coupables MM. Balladur et Léotard des faits qui leur sont reprochés ». Les faits ont permis « à M. Balladur de bénéficier de façon tout à fait irrégulière d’un financement important de sa campagne électorale, au mépris de la loi de 1995 [ndlr : sur le financement de la vie politique] » qu’il avait fait voter.
Le ministère a demandé à la CJR de tenir compte de la personnalité et l’âge des prévenus, de l’ancienneté des faits.
Me Brigitte Longuet, l’avocate qu’a désignée M. Léotard, a plaidé la relaxe de son client. Comment rattacher ces contrats et la mise en place de ce réseau en 1994 alors que M. Balladur n’avait pas encore pris la décision de se présenter, a-t-elle expliqué en substance. Elle s’est réjouie que son client n’ait pas entendu les réquisitions. « Il aurait eu une crise cardiaque et ça aurait été fini », a-t-elle affirmé. Dans le courrier qu’il a adressé à la CJR, son client a fait état de son patrimoine, ce qu’il avait refusé de faire à l’audience. Tout juste apprendra-t-on qu’il bénéficie de deux retraites, qu’il possède deux comptes bancaires débiteurs, une voiture. Et quatre moutons.
La défense de M. Balladur plaide mercredi après-midi.
Sur ce procès, Dalloz actualité a également publié :
• Contrats d’armement, rétrocommissions et vieux messieurs, par Pierre-Antoine Souchard le 22 janvier 2021
• Procès Balladur : « Je me sens la conscience totalement tranquille ! », par Julien Mucchielli le 28 janvier 2021
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