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Film Grâce à Dieu : le père Preynat débouté de ses demandes

Le père Bernard Preynat a été débouté de sa demande de voir le film Grâce à Dieu suspendu, pour atteinte à la présomption d’innocence et au droit à un procès équitable. Le film sortira mercredi dans 307 salles de cinéma.

par Julien Mucchiellile 18 février 2019

Mis en cause pour des atteintes sexuelles sur des enfants dont il était le prêtre, Bernard Preynat a également été mis en scène par le réalisateur François Ozon dans son film Grâce à Dieu, primé à la Berlinale ce week-end (prix du Jury). Vendredi, le prêtre a demandé au juge des référés de suspendre la sortie de ce film, au motif qu’il portait atteinte à sa présomption d’innocence et son droit à un procès équitable (v. Dalloz actualité, 18 févr. 2019, art. J. Mucchielli isset(node/194500) ? node/194500 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>194500). Il a été débouté de ses demandes lundi après-midi.

Le juge des référés a cependant rejeté plusieurs arguments de la défense, notamment celui consistant à invoquer le fait que le film était centré sur le combat mené par l’association la Parole libérée. « Il importe peu, contrairement à ce qui est allégué en défense, que le sujet du film ne soit pas la procédure pénale en cause, l’atteinte à la présomption d’innocence étant caractérisée dès lors que les éléments rappelés de l’affaire pénale démontrent un préjugé tenant pour acquise la culpabilité du demandeur », a-t-il estimé.

Le juge considère également que « la circonstance que Bernard Preynat aurait largement reconnu les faits, en demandant pardon, est indifférente. L’article 9-1 du code civil, qui vise à garantir le caractère équitable de la procédure pénale et la sérénité des débats judiciaires, ne suppose pas que la personne concernée conteste les faits, dans la mesure où cet article doit permettre, quelle que soit la position de la personne mise en cause sur les faits, position qui peut en outre évoluer, de ne pas voir diffuser des informations qui font de sa culpabilité un acquis alors même qu’elle est présumée innocente jusqu’à sa condamnation ».

Mais il estime que la présence d’un carton en début de film, rappelant que l’œuvre est une fiction basée sur des faits réels, et de trois cartons en fin de film, avertissant les spectateurs que le père Preynat est présumé innocent, est de nature à informer utilement les spectateurs. Il précise également que « la sortie du film à la date prévue n’est pas de nature à constituer une atteinte grave au caractère équitable du procès et à la nécessité d’assurer la sérénité des débats devant le juge pénal, étant observé qu’il en irait autrement si la sortie du film devait coïncider avec les débats judiciaires ».

En conséquence, il considère que la mesure consistant à retarder la sortie du film à l’issue de la procédure pénale, qui pourrait survenir dans plusieurs années porterait « une atteinte grave et très disproportionnée au principe de la liberté d’expression, un tel décalage aboutissant, de fait, à une impossibilité d’exploiter le film, œuvre de l’esprit ; que cela créerait aussi des conditions économiques d’exploitation non supportables ».

Cette décision n’interdit pas au Père Preynat de former des demandes indemnitaires. « Présenter durant deux heures comme coupable un homme qui n’a pas encore été jugé comme tel constitue une atteinte à la présomption d’innocence que ne saurait évidemment pas faire disparaître le fait d’écrire le contraire durant deux secondes. Que chacun s’interroge : que penser de cette décision si elle était appliquée pour des faits d’une autre nature ? », a commenté Me Emmanuel Mercinier, avocat de Bernard Preynat.