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Fin de vie : la procédure collégiale est légale

Les dispositions réglementaires relatives à la fin de vie sont légales, a jugé le Conseil d’État. En interdisant la mise en œuvre d’une décision d’arrêt des traitements avant que le juge ait pu se prononcer, la Haute juridiction rend effective la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel.

par Marie-Christine de Monteclerle 12 décembre 2017

Le Conseil d’Etat a rejeté le recours d’une association de familles de personnes handicapées contre le décret du 3 août 2016 relatif à la fin de vie. Le décret attaqué (v. AJDA 2016. 1607 ) a été pris pour l’application de la seconde loi « Leonetti »(L. n° 2016-87, 2 févr. 2016 ; v. L. Fermaud, Les droits des personnes en fin de vie, AJDA 2016. 2143 ). Loi qui elle-même visait à préciser la législation sur la fin de vie après que l’affaire Lambert avait mis en lumière ses insuffisances.

Outre l’autorisation de la sédation profonde, la loi du 2 février 2016 a largement repris les apports de la jurisprudence du Conseil d’État dans les arrêts Lambert (CE, ass., 14 févr. 2014, n° 375081, Lebon 31 avec les concl. ; AJDA 2014. 374 ; ibid. 790 , chron. A. Bretonneau et J. Lessi ; ibid. 1225, tribune P. Cassia ; D. 2014. 488, et les obs. ; ibid. 2021, obs. A. Laude ; AJ fam. 2014. 145, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RFDA 2014. 255, concl. R. Keller ; ibid. 702, note P. Delvolvé ; RDSS 2014. 506, note D. Thouvenin et CE, ass., 24 juin 2014, n° 375081, Lebon 175 avec les concl. ; AJDA 2014. 1293 ; ibid. 1669 ; ibid. 1484, chron. A. Bretonneau et J. Lessi , note D. Truchet ; D. 2014. 1856, et les obs. , note D. Vigneau ; ibid. 2021, obs. A. Laude ; ibid. 2015. 755, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; AJ fam. 2014. 396, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RFDA 2014. 657, concl. R. Keller ; ibid. 702, note P. Delvolvé ; RDSS 2014. 1101, note D. Thouvenin ). Le Conseil d’État réaffirme donc, fort logiquement, plusieurs des principes posés par ces arrêts, notamment quant au droit du patient de ne pas subir une obstination déraisonnable et à l’obligation du médecin de sauvegarder la dignité du patient. Le considérant de principe de l’arrêt du 24 juin 2014 n’est modifié que pour tenir compte de l’évolution de la loi. Désormais, en effet, le code de la santé publique permet au médecin de s’écarter des directives anticipées du patient le temps d’évaluer la situation et lorsque celles-ci apparaissent « manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale ». En outre, à l’exigence de soins palliatifs présente dans l’arrêt Lambert, le Conseil d’Etat ajoute celle de la sédation profonde « dans le respect des conditions prévues par la loi ».

La constitutionnalité des dispositions du code de la santé publique était contestée par l’association, notamment en ce qu’elles confient au seul médecin la décision d’arrêt des soins sans imposer que la procédure collégiale conduise à un consensus médical et familial. Mais le Conseil constitutionnel avait écarté cet argument (Cons. const. 2 juin 2017, n° 2017-632 QPC, AJDA 2017. 1143 ; ibid. 1908 , note X. Bioy ; D. 2017. 1194, obs. F. Vialla ; ibid. 1307, point de vue A. Batteur ; AJ fam. 2017. 379, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; Constitutions 2017. 342, Décision ). Le Conseil d’Etat juge que le texte ne méconnaît pas davantage le droit à la vie ni le droit à la protection de la vie privée et familiale, protégés par la convention européenne des droits de l’homme. Si le médecin n’est pas tenu d’obtenir un accord unanime de la famille, il doit cependant, affirme la Haute juridiction, chercher à « dégager une position consensuelle ». Cette obligation est particulièrement prégnante si le patient est mineur. Le médecin doit alors « s’efforcer, en y attachant une attention particulière, de parvenir à un accord avec ses parents ou son représentant légal sur la décision à prendre » (CE, ord., 8 mars 2017, n° 408146, Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, Lebon ; AJDA 2017. 497 ; D. 2017. 574, obs. C. du Conseil d’État ; AJ fam. 2017. 218, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RDSS 2017. 698, note D. Thouvenin ).

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel avait émis une réserve d’interprétation. Pour préserver le droit au recours, il avait exigé que l’arrêt des soins soit notifié aux proches « dans des conditions leur permettant d’exercer un recours en temps utile » et qu’un tel recours soit examiné dans les meilleurs délais par la juridiction compétente. Mais, relevait le professeur Bioy, cette réserve serait de nul effet si la décision était mise en œuvre immédiatement, sans laisser au juge le temps de statuer. La critique a de toute évidence été entendue au Palais Royal puisque le Conseil d’Etat juge que la réserve de son voisin « implique nécessairement que le médecin ne peut mettre en œuvre une décision d’arrêter ou de limiter un traitement avant que les personnes qu’il a consultées et qui pourraient vouloir saisir la juridiction compétente d’un tel recours n’aient pu le faire et obtenir une décision de sa part ».