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Fins de non-recevoir et concentration en cause d’appel

Les fins de non-recevoir, qui tendent à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, ne sont pas des prétentions sur le fond. Dès lors, elles ne sont pas soumises à l’obligation de concentration des prétentions sur le fond dans les premières écritures, prévue à l’article 910-4 du code de procédure civile.

Cet arrêt était attendu. Il apporte une clarification essentielle en pratique, à savoir que le principe de concentration édicté par l’article 910-4 du code de procédure civile, devenu 915-2, alinéas 2 et 3, au 1er septembre 2024, ne s’applique pas aux fins de non-recevoir. Les plaideurs peuvent donc les invoquer pour la première fois dans des conclusions autres que premières.

À l’origine de l’arrêt se trouve un accident de la circulation. Plusieurs transactions sont conclues entre une victime et un assureur. Un chef de préjudice n’ayant pas trouvé indemnisation aux termes desdites transactions, la victime s’en remet à justice. L’affaire suit son cours devant le Tribunal de grande instance de Toulouse, lequel statue par jugement du 24 novembre 2015. Appel est relevé et un premier arrêt est rendu, lequel sera néanmoins cassé (Civ. 2e, 16 janv. 2020, n° 18-24.847). La Cour d’appel de Bordeaux est saisie sur renvoi après cassation. Par un arrêt du 1er juin 2021, le juge d’appel bordelais infirme le jugement toulousain et, parmi d’autres choses, rejette une fin de non-recevoir excipée par l’assureur, tirée de la « chose jugée » (il s’agirait plutôt de « chose transigée », v. l’art. 2052 c. civ. et ses versions successives).

Le motif de rejet est là : la fin de non-recevoir avait été invoquée dans un troisième jeu de conclusions récapitulatives, ultérieures aux premières conclusions déposées dans les délais « Magendie ». Or, selon le juge d’appel, l’article 910-4 du code de procédure civile qui impose un devoir de concentration des prétentions sur le fond trouverait à s’appliquer aux fins de non-recevoir – du moins à la fin de non-recevoir tirée de la prescription. Tant et si bien que la fin de non-recevoir excipée par l’assureur serait elle-même irrecevable pour avoir été tardivement invoquée. L’assureur se pourvoit en cassation et pose à la Haute juridiction une question simple : l’article 910-4 du code de procédure civile s’applique-t-il aux fins de non-recevoir ?

La deuxième chambre civile, réunie en formation de section, répond par la négative au départ d’un raisonnement progressif déployé au visa des articles 122 et 910-4 du code de procédure civile. Elle rappelle d’abord le contenu du premier qui a l’apparente prétention de définir les fins de non-recevoir (§ 5 ; cette définition est en vérité dépassée, M. Barba, Recevabilité [en procédure civile], in Les mots en procédure : source des maux ?, J. Jourdan-Marques [dir.], LexisNexis, 2024, p. 3). Elle rappelle ensuite le contenu du second, en rappelant qu’il s’applique aux « prétentions sur le fond » (§ 6). Elle prend par ailleurs soin de rappeler que l’article 910-4 du code de procédure civile s’applique à la procédure sur renvoi après cassation (§ 7 ; v. déjà, Civ. 2e, 12 janv. 2023, n° 21-18.762, Dalloz actualité, 23 févr. 2023, obs. R. Laffly ; D. 2023. 76 ; v. plus généralement, M. Barba, La concentration des prétentions devant la cour d’appel de renvoi, Dalloz actualité, 26 avr. 2024). Le conclusif tombe :

« 8. Il en résulte que les fins de non-recevoir, qui tendent à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, ne sont pas des prétentions sur le fond.
9. Dès lors, elles ne sont pas soumises à l’obligation de concentration des prétentions sur le fond dans les premières écritures, prévue à l’article 910-4 précité. »

La deuxième chambre civile fait par la suite application de la règle dégagée par ses soins interprétatifs : en statuant comme elle l’a fait, « alors que la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée des transactions, qui ne constituait pas une prétention sur le fond au sens de l’article 910-4 précité, n’avait pas à être présentée dès les premières conclusions, la cour d’appel, qui ne pouvait que la déclarer recevable, a violé les textes susvisés » (§ 11).

Nouvelle cassation avec renvoi s’ensuit.

La position de la deuxième chambre civile était attendue s’agissant de l’application de l’article 910-4 du code de procédure civile aux fins de non-recevoir. Cette position semble tout à fait opportune. Il est acquis,...

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