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Injonction concernant les informations relatives aux bénéficiaires effectifs et droit d’accès au juge

Les entités auxquelles il est fait injonction de procéder ou faire procéder soit aux déclarations des informations relatives au bénéficiaire effectif, soit à la rectification de ces informations lorsqu’elles sont inexactes ou incomplètes sur le fondement de l’article L. 561-48 du code monétaire et financier disposent, en application des article 496, alinéa 2, et 497 du code de procédure civile, de la faculté de demander au président du tribunal qui l’a rendue la rétractation de son ordonnance. Elles peuvent également, en application des articles R. 561-62 et R. 561-63 de ce code, exercer une voie de recours contre la décision liquidant l’astreinte prononcée le cas échéant, par la voie de l’appel, si le montant de cette astreinte est inférieur au taux de ressort, et par la voie d’un pourvoi en cassation, dans le cas contraire. Il en résulte que les limitations apportées à l’article L. 561-48 précité au droit d’accès au juge, justifiées par les nécessités d’une bonne administration de la justice, sont proportionnées à l’objectif légitime de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et n’atteignent pas ce droit dans sa substance même.

1. L’obligation de fournir des informations précises sur les bénéficiaires effectifs des sociétés (et autres entités) a déjà nourri plusieurs contentieux s’agissant à la fois de la nature des informations à délivrer et des modalités d’accès à ces informations. Rappelons simplement que, à la suite d’un arrêt très commenté de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, gr. ch., 22 nov. 2022, aff. C-601/20, Dalloz actualité, 3 janv. 2023, obs. R. Dalmau ; Rev. sociétés 2023. 111, note J. Lasserre Capdeville ; RTD eur. 2023. 420, obs. F. Benoît-Rohmer ), la directive (UE) 2024/1640 du 31 mai 2024 a enjoint aux États membres de subordonner, au plus tard le 10 juillet 2026, l’accès du public aux informations sur les bénéficiaires effectifs à la démonstration d’un intérêt légitime (spéc., art. 12 s.).

Le débat ici porté devant la Cour de cassation était d’une autre nature. Il concernait, à titre principal, le pouvoir d’injonction, dévolu au président du tribunal de commerce, de procéder ou de faire procéder soit aux déclarations des informations relatives au bénéficiaire effectif, soit à la rectification de ces informations lorsqu’elles sont inexactes ou incomplètes (C. mon. fin., art. L. 561-48). Secondairement, et même si la cassation va intervenir de ce chef, étaient aussi en cause les modalités de liquidation de l’astreinte susceptible d’accompagner l’injonction, lorsqu’il n’y a pas été déféré.

2. En l’espèce, sur requête du procureur de la République, une société avait été condamnée par ordonnance d’un président de tribunal de commerce, sous astreinte, à procéder à la déclaration de ses bénéficiaires effectifs. Le greffier ayant constaté, par procès-verbal, l’inexécution de l’injonction par procès-verbal, l’astreinte avait été liquidée par le même président (3 000 €…).

3. C’est pour contester, sur le principe, la procédure ayant conduit au prononcé de cette sanction, que la société condamnée se pourvoit en cassation, seule voie de recours possible dès lors que le montant de l’astreinte était inférieur au taux de ressort (fixé à 5 000 € depuis le 1er janv. 2020, C. com., art. R. 721-6). Elle a même déroulé deux fronts procéduraux.

Le premier, sous la forme d’une question prioritaire de constitutionnalité (droit à un recours juridictionnel effectif), qui sera déclarée irrecevable (Com. 15 mars 2023, n° 22-20.771, inédit) au motif que, sous le couvert de la critique d’une disposition législative (C. mon. fin., art. L. 561-48), la question ne tendait qu’à contester la conformité à la Constitution de dispositions réglementaires (C. mon. fin., art. R. 561-62 et R. 561-63).

Le second, au fond, qui sera seul examiné ici. Deux séries d’arguments étaient avancés par la société dans son pourvoi pour obtenir l’effacement de la condamnation. Il était d’abord argué que les dispositions du droit français encadrant la procédure d’injonction, puis de liquidation de l’astreinte, en cas d’inobservation des règles sur la déclaration des bénéficiaires effectifs, ne seraient pas compatibles avec le droit fondamental d’accès à un tribunal ; droit garanti par l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme. Il était ensuite reproché au président du tribunal de ne pas avoir expressément constaté, dans sa décision de liquidation de l’astreinte, que l’ordonnance portant injonction de se conformer aux exigences de transparence avait été régulièrement notifiée à la société.

Droit d’accès au juge et procédure d’injonction en matière de bénéficiaire effectif

4. Le demandeur au pourvoi faisait reproche au dispositif français (C. mon. fin., art. L. 561-48, R. 561-62 et R. 561-63) de permettre au juge compétent de prononcer une mesure d’injonction, le cas échéant sous astreinte, au terme d’une procédure non contradictoire et donc en violation de l’article 6, § 1,...

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