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L’indemnisation des réparations locatives suppose la preuve d’un préjudice

Le locataire qui restitue les locaux dans un état non conforme à ses obligations commet un manquement contractuel et doit réparer le préjudice éventuellement subi de ce chef par le bailleur. Tenu d’évaluer le préjudice à la date à laquelle il statue, le juge doit prendre en compte, lorsqu’elles sont invoquées, les circonstances postérieures à la libération des locaux. Il doit constater qu’un préjudice pour le bailleur est résulté de la faute contractuelle du locataire. 

Par trois arrêts rendus le même jour et publiés au Bulletin, la Cour de cassation réaffirme sa jurisprudence concernant les réparations locatives dues par le locataire sortant : le bailleur doit justifier d’un préjudice effectif.

L’évolution de la jurisprudence

La Cour de cassation avait jugé le 30 janvier 2002 que « l’indemnisation du bailleur en raison de l’inexécution par le preneur des réparations locatives prévues au bail n’est subordonnée ni à l’exécution de ces réparations, ni à la justification d’un préjudice » (Civ. 3e, 30 janv. 2002, n° 00-15.784, D. 2002. 2288 , note J.-L. Elhoueiss ; ibid. 888, obs. Y. Rouquet ; ibid. 2003. 458, obs. D. Mazeaud ; AJDI 2002. 599 , obs. S. Beaugendre ; RTD civ. 2002. 321, obs. P.-Y. Gautier ; ibid. 816, obs. P. Jourdain ; Gaz. Pal. 1er févr. 2003, p. 16, note J.-D. Barbier ; dans le même sens, Civ. 3e, 18 nov. 1980, Gaz. Pal. 1981. Pan. 66).

La jurisprudence classique considérait que le préjudice était constitué du seul fait de l’inexécution des réparations locatives (Civ. 3e, 6 mai 1987, Loyers et copr. 1987, n° 339).

Mais un revirement de jurisprudence a été opéré par un arrêt du 3 décembre 2003, par lequel la Cour de cassation a soumis le régime des réparations locatives du locataire sortant au régime général de la responsabilité contractuelle qui exige une faute, un préjudice, et un lien de causalité : « des dommages-intérêts ne peuvent être alloués que si le juge, au moment où il statue, constate qu’il est résulté un préjudice de la faute contractuelle » (Civ. 3e, 3 déc. 2003, n° 02-18.033, D. 2004. 395, et les obs. ; ibid. 2005. 185, obs. P. Delebecque, P. Jourdain et D. Mazeaud ; AJDI 2004. 204 , obs. S. Beaugendre ; RTD civ. 2004. 295, obs. P. Jourdain ; Gaz. Pal. 21 févr. 2024. 27, note J.-D. Barbier).

Les textes

Les trois arrêts présentement commentés sont rendus au visa de l’article 1732 du code civil, selon lequel le locataire répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, et des articles 1147 et 1149 du même code, dans leur version antérieure à la réforme de 2016, concernant les dommages et intérêts. De fait, la réforme de 2016 n’a rien modifié à cet égard, les dispositions de ces deux derniers articles étant reprises dans les articles 1231-1 et 1231-2 du code civil, qui définissent le préjudice : il est constitué de la perte faite par le créancier ou du gain dont il a été privé.

La Cour de cassation vise également le principe de la réparation intégrale du préjudice.

Ainsi, il ne suffit pas d’une faute du locataire, encore faut-il un préjudice effectif.

La faute du locataire

La faute du locataire est supposée acquise : elle résulte de la restitution des locaux dans un état dégradé ou non conforme aux obligations découlant de la loi ou du contrat.

La Cour de cassation rappelle que le locataire commet ainsi un « manquement contractuel » et qu’il « doit réparer le préjudice éventuellement subi de ce chef par le bailleur ». C’est l’adverbe « éventuellement » qui importe, car toute faute n’entraîne pas nécessairement un...

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