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Liberté d’expression des avocats : la France condamnée pour violation de l’article 10 de la Convention

La condamnation d’un avocat à un avertissement pour avoir, juste après le prononcé d’un verdict, imputé à un jury criminel une partialité résultant de préjugés raciaux, est jugée contraire à l’article 10.  

par Sabrina Lavricle 4 mai 2018

En 2003, un jeune homme perdit la vie à la suite d’une course-poursuite avec un gendarme. Jugé en 2003 pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, ce dernier fut acquitté et le requérant, avocat de la partie civile, prononça les paroles suivantes juste après le verdict : j’ai « toujours su qu’il [l’acquittement] était possible. Un jury blanc, exclusivement blanc, où les communautés ne sont pas toutes représentées (…) la voie de l’acquittement était la voie royalement ouverte, ce n’est pas une surprise ».

Convoqué devant le conseil de discipline des barreaux du ressort de la cour d’appel de Montpellier pour avoir manqué aux principes déontologiques essentiels de sa profession, notamment de délicatesse et de modération, par des propos tenus publiquement et imputant à la cour et aux jurés une partialité raciale, l’avocat fut relaxé. Saisie par le procureur général, la cour d’appel estima au contraire que les manquements déontologiques étaient caractérisés et prononça un avertissement contre le requérant. En 2012, la Cour de cassation rejeta son pourvoi estimant que les paroles litigieuses, prononcées en dehors du prétoire, n’étaient pas couvertes par l’immunité judiciaire bénéficiant aux avocats dans l’exercice de leurs fonctions (Civ. 1re, 5 avr. 2012, n° 11-11.044, D. 2012. 1017 ; ibid. 2013. 136, obs. T. Wickers ; AJ pénal 2012. 479, obs. C. Porteron ; JCP 2012. 733, note J.-M. Brigand).

Devant la Cour de Strasbourg, le requérant invoquait une violation de l’article 10 de la Convention européenne qui protège le droit à liberté d’expression. Passant au crible du paragraphe 2 de l’article 10 l’ingérence subie par l’avocat dans l’exercice de cette liberté, la Cour européenne conclut à son caractère disproportionné et donc à la violation de la Convention.

Classiquement, la Cour commence par relever que l’ingérence était bien prévue par la loi et qu’elle poursuivait des buts légitimes, à savoir la protection de la réputation ou des droits d’autrui ainsi que le respect de l’autorité et de l’impartialité du pouvoir judiciaire. Ensuite, sur son...

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