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Mise à disposition des biens loués irrégulière ou cession illicite ?

Le preneur ou, en cas de cotitularité, l’un ou les copreneurs, qui mettent les biens loués à la disposition d’une société dont ils ne sont pas associés mais qui continuent à se consacrer à l’exploitation de ceux-ci, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, n’abandonnent pas la jouissance du bien loué à cette société et ne procèdent donc pas à une cession prohibée du bail.

Conditions de mise à disposition des biens loués

Le code rural et de la pêche maritime permet au preneur de mettre les biens loués à disposition d’une société à laquelle il est associé. Il s’agit d’une convention sui generis dont le régime est encadré par l’article L. 411-37 dudit code. Le preneur doit continuer à se consacrer à l’exploitation des biens, « en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation ». Le bailleur doit être tenu informé de l’opération. Le preneur reste seul titulaire du bail, ses rapports contractuels avec le bailleur ne sont pas modifiés.

La méconnaissance des conditions posées par l’article L. 411-37 précité permet au bailleur de solliciter la résiliation du bail, mais il doit démontrer que leur violation est de nature à lui porter préjudice (C. rur., art. L. 411-31, II, 3° ; pour une illustration, v.  Civ. 3e, 14 mars 2019, n° 17-31.561, AJDI 2019. 461 ; RD rur. 2019, n° 61, obs. S. Crevel). C’est le cas s’il « se trouv(e) désormais privé de la possibilité de poursuivre l’exécution des obligations nées du bail et ne dispos(e) plus d’un seul preneur pour en répondre » (Civ. 3e, 13 janv. 2015, n° 12-27.875, RD rur. 2015, n° 59, obs. S. Crevel).

Or, cette condition n’est pas exigée en cas de cession irrégulière du bail. Pour le bailleur, il y a donc un enjeu à établir que la mise à disposition irrégulière constitue en réalité une cession illicite déguisée.

Requalification d’une mise à disposition en cession illicite

La méconnaissance des conditions posées par l’article L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime peut être considérée comme constituant une cession irrégulière, dès lors que dans les faits, c’est la société qui poursuit l’exploitation, le preneur lui abandonnant celle-ci (J.-B. Millard et B. Peignot, Gaz. Pal. 2005, n° 8, p. 2). Les juges se basent sur un faisceau d’indices, tels que l’activité professionnelle exercée par le preneur, le nombre de ses parts, les statuts de la société, les témoignages et constats de commissaires de justice étayant que les parcelles sont exploitées par un tiers. Ainsi, une convention de mise à disposition a été requalifiée en cession de bail dans une espèce où la locataire, infirmière hospitalière à plein temps ne détenait qu’un nombre dérisoire de parts sociales tandis que les gérants de la SCEA assuraient l’exploitation (Civ. 3e, 18 janv. 2023, n° 20-22.141, Defrénois 2013, n° 19-20, p. 29, obs. F. Delorme). Tel est également le cas lorsque le preneur a pris sa retraite et est devenu salarié de l’EARL en qualité d’enseignant à temps partiel et que seule sa fille figure dans les statuts en qualité d’associé exploitant (Civ. 3e, 12 oct. 2023, n° 21-20.212, Dalloz actualité, 9 nov. 2023, obs. A.-L. Grizon ; D. 2024. 247 , note J.-J. Barbièri † et F. Roussel ; ibid. 1144, chron. M.-L. Aldigé,...

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