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Modalités de notification d’une décision en matière de fixation d’honoraires

Lorsque la décision du bâtonnier en matière de fixation d’honoraires est notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception et que le pli est retourné au secrétariat de l’Ordre avec la mention « avisé et non réclamé », alors le secrétariat doit inviter l’autre partie à procéder par voie de signification.

par Cathie-Sophie Pinatle 24 septembre 2018

Les faits à l’origine de cette affaire sont courants. Une contestation s’est élevée relativement à des honoraires dus par un client à son avocat, poussant ce dernier à saisir le bâtonnier compétent d’une demande de fixation d’honoraires conformément à la procédure prévue aux articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. Le bâtonnier a condamné le client au versement d’honoraires par une décision qui lui a été notifiée le 25 février 2015 par lettre recommandée avec accusé de réception. Le pli ayant été retourné à l’Ordre accompagné de la mention « avis non réclamé », l’avocat s’est tourné vers le président du tribunal de grande instance de Tours qui a accueilli sa requête en déclarant exécutoire la décision du bâtonnier dans une ordonnance du 27 mai 2015. L’avocat a alors fait signifier cette ordonnance à l’intéressé par acte d’huissier du 8 décembre 2015, l’informant par la même occasion de l’existence et du contenu de la décision préalable du bâtonnier. Par lettre recommandée du 27 janvier 2016, le client a saisi le premier président de la cour d’appel d’Orléans d’un recours contre la décision rendue par le bâtonnier le 24 février 2015.

La question qui s’est posée à la cour d’appel et à la Cour de cassation ne connaît pas, à notre connaissance, de précédent (v. toutefois Rennes, 14 mars 2017, n° 15/09210, Dalloz jurisprudence). Elle invite à s’interroger sur les modalités de transmission d’une décision ordinale. En des termes plus précis, l’envoi par le secrétariat de l’Ordre des avocats d’une lettre recommandée dont l’avis de réception non signé a été retourné, en vue de notifier la décision d’un bâtonnier en matière de contestation d’honoraires, fait-il courir le délai de contestation d’un mois ouvert aux intéressés par l’article 176 du décret de 1991 et, dans la négative, faut-il alors considérer que ce délai court à compter de la notification de l’ordonnance du premier président du tribunal de grande instance rendant exécutoire une telle décision ?

Le 27 avril 2016, le premier président de la cour d’appel d’Orléans a déclaré le client irrecevable et confirmé la décision du 24 février 2015 aux motifs que le requérant n’a pas respecté le délai d’un mois prévu à l’article 176 du décret de 1991 à compter du 8 décembre 2015, date à laquelle l’ordonnance du premier président du tribunal de grande instance lui a été notifiée.

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel sur deux motifs distincts.

L’un d’eux est classique. En reprochant à la juridiction d’appel d’avoir statué sur le fond après avoir retenu l’irrecevabilité de la requête, la haute juridiction se limite en effet à réaffirmer une solution constante (V. not. Civ. 3e, 4 oct. 1995, n° 94-10.299, RDI 1996. 70, obs. P. Malinvaud et B. Boubli ; Rev. sociétés 1996. 102, note Y. Guyon ; RTD com. 1996. 88, obs. E. Alfandari ).

L’autre motif de cassation, plus novateur, opère un raisonnement en deux étapes. Dans un premier temps, la Cour admet implicitement que le premier président est fondé à considérer que l’exigence de notification prévue à l’article 175 in fine du décret de 1991 n’est pas satisfaite dans l’hypothèse d’un retour de la lettre recommandée pour avis non réclamé. Cette solution semble s’inspirer directement de celle retenue en matière de notification des décisions par les greffes des juridictions qui doivent, dans cette situation, inviter « la partie à procéder par voie de signification » aux termes de l’article 670-1 du code de procédure civile (pour un ex. récent, v. Civ. 2e, 14 juin 2018, n° 17-21.149, Dalloz actualité, 5 juill. 2018, obs. J. Jourdan-Marques isset(node/191442) ? node/191442 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>191442). La préservation des droits de la défense, en particulier lorsque le bâtonnier exerce une fonction à caractère juridictionnel, explique l’application extensive d’une telle exigence. Elle se discute néanmoins dans la mesure où elle contraint les secrétariats des instances ordinales, qui n’agissent pas en qualité d’auxiliaire de justice, à effectuer des démarches supplémentaires au bénéfice des justiciables.

Dans un second temps, et à rebours du juge du fond, la Cour de cassation refuse de considérer que la notification d’une ordonnance rendant exécutoire la décision du bâtonnier puisse valoir notification d’une telle décision. Et comment ne pas lui donner raison sur ce point ? D’abord, le visa de l’article 680 du code de procédure civile est convaincant dans la mesure où il va de soi qu’une notification en cascade ne permet pas à l’intéressé de connaître les modalités de recours contre la première décision lui faisant grief. Ensuite, il n’est pas concevable d’utiliser les juridictions comme un moyen détourné de signification d’une décision qui n’avait pas été convenablement notifiée. Enfin, il se peut que des considérations plus subjectives aient présidé à cette interprétation qui encourage les professionnels du droit à se montrer prévenants à l’égard de leurs clients.