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Modalités de régularisation du vice affectant une autorisation environnementale

Comment réparer le vice de procédure qui affecte une autorisation environnementale ? Le Conseil d’État précise les modalités d’une telle régularisation dès lors que le juge du plein contentieux aura estimé que ce vice est régularisable.

par Jean-Marc Pastorle 4 octobre 2018

Saisi d’une demande d’avis contentieux par le tribunal administratif d’Orléans, le Conseil d’État fait progresser l’office du juge de l’autorisation environnementale dont les pouvoirs ont commencé à être interprétés très récemment (CE, 22 mars 2018, n° 415852, Association Novissen, Dalloz actualité, 29 mars 2018, obs. M.-C. de Montecler ; AJDA 2018. 655 ; ibid. 1451 , note T. Pouthier ).

L’office du « juge de la régularisation » est déterminé par l’article L. 181-18 du code de l’environnement. À l’intérieur de l’instance, lorsque le juge constate un vice qui entache la légalité de l’autorisation environnementale mais qui peut être régularisé par une décision modificative, il doit surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Le tribunal administratif d’Orléans s’est demandé si, dans ce cas, la régularisation devait se faire en appliquant les dispositions en vigueur à la date à laquelle la décision attaquée a été prise. Pour le Conseil d’État, le juge prescrira dans un jugement avant dire droit, « les modalités de cette régularisation, qui implique l’intervention d’une décision corrigeant le vice dont est entachée la décision attaquée. Un vice de procédure, dont l’existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision attaquée, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. Si ces modalités ne sont pas légalement applicables, notamment du fait de l’illégalité des dispositions qui les définissent, il appartient au juge de rechercher si la régularisation peut être effectuée selon d’autres modalités, qu’il lui revient de définir en prenant en compte les finalités poursuivies par les règles qui les ont instituées et en se référant, le cas échéant, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue ».

Qui peut faire office d’autorité environnementale ?

S’agissant de la désignation de l’autorité compétente, rappelons qu’il ne peut s’agir du préfet de région. Dans un arrêt France nature environnement, le Conseil d’État a clairement précisé que l’autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d’ouvrage en matière environnementale devait disposer d’une autonomie réelle vis-à-vis des administrations qui élaborent ou approuvent de tels projets. Il avait alors annulé le décret 28 avril 2016 est annulé en tant qu’il maintenait, au IV de l’article R. 122-6 du code de l’environnement, la désignation du préfet de région en qualité d’autorité compétente de l’État en matière d’environnement (CE 6 déc. 2017, n° 400559, Association France Nature Environnement, Dalloz actualité, 13 déc. 2017, obs. J.-M. Pastor ; AJDA 2017. 2437 ). Pour autant, le vice de l’article R. 122-6 n’a toujours pas été purgé. À défaut, estime le Conseil d’État, « pour fixer des modalités de régularisation permettant de garantir que l’avis sera rendu par une autorité impartiale, le juge peut notamment prévoir que l’avis sera rendu dans les conditions définies aux articles R. 122-6 à R. 122-8 et R. 122-24 du code de l’environnement par la mission régionale de l’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable ».

Information du public, mode d’emploi

Lorsque le vice entache un avis qui a été soumis au public, notamment dans le cadre d’une enquête publique, « la régularisation implique non seulement que la procédure de consultation soit reprise, mais aussi que le nouvel avis soit porté à la connaissance du public », précise le Conseil d’État.

S’agissant de la régularisation de la procédure d’enquête publique qui s’est déroulée sans l’avis d’une autorité environnementale autonome, la haute juridiction distingue deux cas de figure : soit le nouvel avis de l’autorité environnementale n’apporte rien par rapport au précédent, soit il en modifie substantiellement la teneur. Dès lors, « le juge pourra préciser que, dans le cas où l’avis de l’autorité environnementale recueilli à titre de régularisation, qui devra être rendu en tenant compte d’éventuels changements significatifs des circonstances de fait, diffère substantiellement de celui qui avait été porté à la connaissance du public à l’occasion de l’enquête publique dont le projet a fait l’objet, une enquête publique complémentaire devra être organisée à titre de régularisation, selon les modalités prévues par les articles L. 123-14 et R. 123-23 du code de l’environnement, dans le cadre de laquelle seront soumis au public, outre l’avis recueilli à titre de régularisation, tout autre élément de nature à régulariser d’éventuels vices révélés par le nouvel avis, notamment une insuffisance de l’étude d’impact. Le juge pourra également préciser que, dans le cas où aucune modification substantielle n’aurait été apportée à l’avis, l’information du public sur le nouvel avis de l’autorité environnementale recueilli à titre de régularisation pourra prendre la forme d’une simple publication sur internet, dans les conditions prévues à l’article R. 122-7 du code de l’environnement ».

Enfin, dans l’hypothèse où le juge, saisi d’un moyen en ce sens, constate qu’il a été procédé à une simple publication sur internet du nouvel avis de l’autorité environnementale alors qu’il apportait des modifications substantielles à l’avis initial, « il lui revient, avant de statuer sur la décision attaquée, de rechercher si ce nouveau vice peut être régularisé et de prévoir le cas échéant, à cette fin, qu’une enquête publique complémentaire devra être organisée ».

Le juge ne peut préciser le degré de reprise de l’instruction en cas d’annulation

S’il estime ne pas pouvoir surseoir à statuer en vue d’une régularisation et doit prononcer l’annulation de l’autorisation partielle ou totale de l’autorisation, le juge pourra indiquer « dans sa décision quelle phase doit être regardée comme viciée, afin de simplifier la reprise de la procédure administrative en permettant à l’administration de s’appuyer sur les éléments non viciés pour prendre une nouvelle décision ». Mais le Conseil d’État se montre très clair quant au risque d’immersion du juge dans la reprise de l’instruction par l’administration : « il n’entre pas dans [l’office du juge de l’autorisation environnementale] de préciser les modalités selon lesquelles l’instruction doit être reprise, notamment dans le cas de dispositions réglementaires entachées d’illégalité ou en l’absence de dispositions applicables ».