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Notaire : pas de responsabilité sans doute

Seule la présence d’éléments, qui doivent être relevés par les juges du fond, de nature à faire naître un doute sur l’existence et l’étendue des assurances obligatoires impose au notaire des diligences complémentaires pour s’assurer de leur réalité. 

par Anaïs Hacenele 25 juillet 2018

Le notaire engage sa responsabilité lorsque l’utilité et l’efficacité des actes qu’il rédige sont remises en cause et qu’il n’a pas procédé aux vérifications des faits et conditions nécessaires pour les assurer (v. Civ. 1re, 4 janv. 1966, Bull. civ. I, n° 7 ; D. 1966. 227, note D. Mazeaud ; JCP 1966. II. 14590, note O. D. ; Cass., ass. plén., 5 déc. 2014, n° 13-19.674, Dalloz actualité, 12 déc. 2014, obs. M. Kebir ; ibid. 2015. 287, obs. N. Fricero ; RDI 2015. 135, obs. J.-P. Tricoire et O. Tournafond ; D. avocats 2015. 80, Article C. Lhermitte ; RTD civ. 2015. 201, obs. N. Cayrol ; JCP 2015, n° 424, obs. Y.-M. Serinet ; ibid. 2014, n° 1300, note P. Gerbay ; JCP N 2015, n° 504, obs. J.-M. Delperier ; ibid. n° 1112, obs. M. Mekki ; Defrénois 2015. 428, note H. Périnet-Marquet).

L’arrêt de cassation du 27 juin 2018 rappelle que cette responsabilité n’est pas systématique en cas de fausses déclarations d’une des parties.

Dans cette affaire, un notaire, chargé de dresser l’acte authentique de la vente d’un immeuble en l’état de futur achèvement, avait demandé la remise, par le vendeur, d’une attestation d’assurance dommage-ouvrage, qui s’est avérée être un faux. Le vendeur a été reconnu coupable pour faux et usage de faux et condamné à indemniser l’acquéreur victime de ses préjudices.

La cour d’appel de Reims reconnaît la responsabilité du notaire, lui reprochant de s’être contenté d’une attestation de l’assureur prétendu sans se livrer à des diligences complémentaires pour s’assurer de sa réalité.

Sur pourvoi de l’officier ministériel, la Cour de cassation casse l’arrêt au visa de l’article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble l’article L. 243-2, alinéa 2, du code des assurances, dans sa rédaction issue de la loi du 4 janvier 1978.

Pour la première chambre civile, les diligences évoquées par les juges du fond ne s’imposent au notaire que s’il a un doute sur l’existence et l’étendue des assurances obligatoires pour ce type de vente. Le doute n’apparaît qu’en présence de certains éléments qui, en l’espèce, n’ont pas été relevés par les juges du fond. En toute logique, la responsabilité du notaire ne peut pas être engagée puisque son obligation de vérification a été correctement exécutée. Elle n’est renforcée qu’en présence d’un doute qui, au regard des faits, n’existait pas. C’est ici la faute du notaire, en tant que fait générateur de responsbailité, qui fait défaut. 

La règle est à la fois classique et simple. Si, au regard des éléments fournis et des déclarations faites par les parties, le notaire a un doute ou des soupçons, il a l’obligation de procéder à des vérifications afin d’assurer l’efficacité de l’acte de vente qu’il rédige, sans quoi, il engage sa responsabilité. S’il n’a ni doute ni soupçon, cette vérification n’est pas imposée et, s’il s’avère que les déclarations étaient inexactes, sa responsabilité ne peut pas être engagée.

On retrouve dans cette solution la distinction qu’opère la Cour de cassation entre l’obligation de vérification renforcée et l’obligation de vérification allégée (v. sur ce point Dalloz actualité, 25 sept. 2017, obs. A. Hacene isset(node/186545) ? node/186545 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>186545). Lorsqu’il est aisé pour le notaire de procéder aux vérifications assurant l’efficacité de l’acte rédigé, il a l’obligation de le faire mais, quand il est plus difficile pour lui d’obtenir les informations susceptibles de prouver ou de mettre en échec la véracité des déclarations faites par les parties, cette obligation n’est imposée qu’en cas de doute. Reste néanmoins et toujours à savoir comment se caractérise ce doute.

Il s’avère que le doute n’apparaît pas quand l’information est difficile à trouver pour le notaire. C’est le cas, par exemple, lorsqu’une des parties cache qu’elle a fait l’objet d’une condamnation lui interdisant d’ouvrir un débit de boisson et que le notaire n’avait aucun moyen de le savoir (v. Civ. 1re, 6 sept. 2017, n° 16-18.524, Dalloz actualité, 25 sept. 2017, obs. préc. ; D. 2017. 1762 ; ibid. 2018. 371, obs. M. Mekki ; ibid. 748, chron. V. Le Gall, S. Canas, C. Barel, I. Kloda, S. Vitse, C. Roth, J. Mouty-Tardieu et S. Gargoullaud ; RTD com. 2017. 822, obs. B. Saintourens ). En l’espèce, toutefois, l’information, selon laquelle l’assurance n’était pas réelle, était plus facile à obtenir, ne serait-ce qu’en recherchant l’assureur prétendu.

Pour autant, la Cour de cassation rappelle aux juges du fond que, pour exiger du notaire une recherche plus sérieuse, ils doivent nécessairement mettre en avant l’existence d’un doute dans son esprit. Ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Si la solution, plus protectrice du notaire que de l’acquéreur, n’est qu’une application logique de la règle établie, elle n’en est pas moins sévère. N’aurait-il pas suffi à l’officier ministériel de se tourner vers la compagnie d’assurances pour connaître la situation exacte du vendeur et éviter à l’acquéreur la conclusion de la vente ?