Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Point de départ du délai de prescription de l’action en paiement des honoraires

Si la prescription de l’action d’un avocat pour le paiement de ses honoraires court à compter de la date à laquelle son mandat a pris fin, le prononcé de la décision qu’il a été chargé d’obtenir n’a pas pour effet de mettre fin au mandat qu’il a reçu de son client.

par Manon Bordele 10 novembre 2017

Un avocat s’est vu confier la défense des intérêts d’une cliente qui souhaitait obtenir des dommages et intérêts en réparation d’un préjudice moral. Par un jugement du 16 juillet 2012, le tribunal lui a accordé, à ce titre, une certaine somme. Elle a ensuite informé son avocat qu’elle souhaitait être assistée d’un autre conseil devant la cour d’appel et l’a dessaisi du dossier. Il a alors établi une facture d’honoraires, envoyée le 14 août 2012, qu’elle n’a pas acquittée.

L’avocat a donc saisi, le 28 juillet 2014, le bâtonnier de son ordre d’une demande en taxation de ses honoraires. Ce dernier a accueilli cette demande et a taxé les honoraires à la somme de 4 500 €. Cependant, à la suite du recours exercé par la cliente, le premier président de la cour d’appel d’Amiens a déclaré la demande de l’avocat prescrite. Il a à cet égard rappelé que la prescription extinctive courait à compter de la date à laquelle son mandat avait pris fin et a retenu que cette date correspondait à celle de la décision juridictionnelle mettant fin au contentieux dans lequel l’avocat avait défendu les intérêts de son client. Or, en l’espèce, cette décision étant intervenue le 16 juillet 2012, l’avocat avait, le 28 juillet 2014, saisi tardivement le bâtonnier de sa demande en taxation des honoraires.

Mais la Cour de cassation censure ce raisonnement au visa des articles 218-2 du code de la consommation, 412 et 420 du code de procédure civile et 13 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005. Elle énonce que si la prescription de l’action des avocats pour le paiement de leurs honoraires court à compter de la date à laquelle leur mandat a pris fin, il résulte des trois derniers textes susvisés que le prononcé de la décision que l’avocat a été chargé d’obtenir n’a pas pour effet de mettre fin au mandat qu’il a reçu de son client.

Par cet arrêt la Cour de cassation apporte une nouvelle précision sur la prescription de l’action en paiement des honoraires d’un avocat. Elle avait, en effet, déjà jugé que cette action se prescrivait par deux ans si elle était dirigée contre une personne physique ayant eu recours aux services d’un avocat à des fins n’entrant pas dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale (Civ. 2e, 26 mars 2015, n° 14-11.599, Dalloz actualité, 30 mars 2015, art. A. Portmann ; ibid. 1791, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, L. Lazerges-Cousquer, N. Touati, D. Chauchis et N. Palle ; ibid. 2016. 101, obs. T. Wickers ; ibid. 449, obs. N. Fricero ), et que ce délai biennal commençait à courir à compter de la date à laquelle le mandat de l’avocat prenait fin (Civ. 2e, 10 déc. 2015, n° 14-25.892, D. 2016. 19 ; ibid. 2017. 74, obs. T. Wickers ; D. avocats 2016. 97, obs. G. Deharo ). Elle vient ici préciser que le prononcé de la décision que l’avocat était chargé d’obtenir ne constitue pas le point de départ du délai de prescription.

Cette jurisprudence paraît conforme aux textes. Il ressort notamment de l’article 420 du code de procédure civile que « l’avocat remplit les obligations de son mandat sans nouveau pouvoir jusqu’à l’exécution du jugement ». Dès lors, le mandat confié à un avocat pour la défense des intérêts d’un client prend fin à la date d’exécution de la décision qu’il était chargé d’obtenir et non à la date de son prononcé. Sauf, bien sûr, si le client a expressément déchargé l’avocat de son mandat avant cette date.

La juridiction de renvoi devra donc, en l’espèce, fixer le point de départ du délai de prescription en déterminant précisément la date à laquelle le mandat de l’avocat avait pris fin.