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Précisions sur l’assimilation des infractions en matière de récidive légale

L’infraction de blanchiment est assimilable, au regard de la récidive, à l’infraction de recel de vol dont elle procède. 

par Alice Roquesle 20 février 2020

Par arrêt du 21 janvier 2020, la chambre criminelle apporte des précisions sur l’assimilation des infractions en matière de récidive légale et sur l’obligation de motivation des ordonnances du juge des libertés et de la détention.

En l’espèce, une personne est poursuivie et condamnée des chefs de faux, blanchiment et blanchiment en récidive.

Pour déclarer établie la circonstance de récidive de blanchiment, la cour d’appel a retenu en substance que, d’une part, le blanchiment en question a consisté pour le prévenu à apporter son concours à une opération de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit, à savoir la transformation de fourgons volés en camping-cars, en se servant, ce qui constitue la circonstance aggravante, des facilités procurées par son activité de garagiste, d’autre part, l’état de récidive légale résulte de ce que le prévenu a été condamné le 20 novembre 2014 par la cour d’appel de Bordeaux pour des faits de recel de vol.

Le prévenu, au soutien de son pourvoi, conteste notamment l’assimilation à laquelle la cour a procédé entre le blanchiment et le recel de vol pour caractériser l’état de récidive légale.

La chambre criminelle estime qu’en prononçant ainsi, et dès lors que, d’une part, il ressort de ses motifs que le délit de blanchiment a été commis à l’occasion de faits de recel de vol, infraction à laquelle il devait être assimilé, au regard de la récidive, en application de l’article 324-5 du code pénal, d’autre part, compte tenu d’une précédente condamnation pour recel de vol, la récidive était établie par application de l’article 132-10 du code pénal, la cour d’appel a justifié sa décision.

L’article 132-10 du code pénal prévoit une récidive spéciale et temporaire en matière délictuelle. Le maximum des peines d’emprisonnement et d’amende encourues est doublé lorsqu’une personne physique, déjà condamnée définitivement pour un délit, commet, dans le délai de cinq ans à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine, soit le même délit, soit un délit qui lui est assimilé au regard des règles de la récidive.

Ainsi, les infractions constituant le premier et le deuxième terme de la récidive doivent être identiques. Toutefois, afin d’étendre le champ d’application de la récidive légale, le législateur admet que cette similitude ne soit pas parfaite et prévoit que certaines infractions puissent être assimilées.

La liste des infractions assimilées se retrouve aux articles 132-16 et suivants du code pénal. Par exemple, le vol, l’extorsion, le chantage, l’escroquerie et l’abus de confiance sont ainsi considérés, au regard de la récidive, comme une même infraction (C. pén., art. 132-16). En application de ce texte, combiné à l’article 132-10 du code pénal, celui qui, après avoir été condamné pour vol, commet dans un délai de cinq ans, un abus de confiance sera considéré en état de récidive.

Les listes prévues aux articles 132-16 et suivants, bien qu’elles se multiplient, restent exhaustives (Rép. pén., Récidive, par M. Herzog-Evans, n° 151). Le juge ne peut pas procéder de lui-même à une assimilation qui ne serait pas prévue par la loi (Crim. 8 déc. 2009, n° 09-85.627, Bull. crim. n° 209 ; D. 2010. 1132, obs. K. Gachi , note J.-L. Lennon ; AJ pénal 2010. 191, obs. C. Duparc ; RSC 2010. 859, obs. C. Mascala ; Dr. pénal 2010. Comm. n° 32, obs. J.-H. Robert).

En dehors de ces dispositions générales, le législateur a procédé, au sein du code pénal, à des assimilations spéciales notamment en matière d’infraction de conséquences comme le recel (C. pén., art. 321-5). Ainsi l’article 324-5 du code pénal dispose que « le blanchiment est assimilé, au regard de la récidive, à l’infraction à l’occasion de laquelle ont été commises les opérations de blanchiment ». Cette disposition procède à une assimilation large du blanchiment à son infraction d’origine, quelque soit la nature de cette dernière.

Tel que le souligne Madame Martine Herzog-Evans, professeure, « Du fait de leur domaine spécial, en vertu de la règle specialia generalibus derogant, ces dispositions prévalent sur les dispositions générales des articles 132-16 et suivants du code pénal, dans leur domaine précis d’application. Aussi devait être cassée la décision qui avait écarté la récidive au motif qu’elle ne serait pas prévue par les articles 132-16 et suivants, s’agissant de faits de vol aggravé et de recel, bel et bien visés à l’article 321-5 » (Crim. 29 mars 2017, n° 16-85.079, AJ pénal 2017. 208, obs. J. Lasserre Capdeville  ; Rép. pén., Récidive, par M. Herzog-Evans, n° 156).

En l’espèce, le blanchiment ayant été commis à l’occasion de faits de recel de vol, il devait au regard de la récidive être assimilé à ce dernier. Le prévenu ayant été condamné moins de quatre ans auparavant pour des faits de recel de vol, l’identité des délits requise par l’article 132-10 ainsi que le délai de cinq ans étaient donc bien respectés et l’état de récidive légalement caractérisé.

Par ailleurs, d’un point de vue procédural, la chambre criminelle semble préciser sa jurisprudence relative à l’exigence de motivation des ordonnances du juge des libertés et de la détention autorisant des actes d’investigation extraordinaire.

En l’espèce, le prévenu avait soulevé une exception de nullité faisant valoir que le juge des libertés et de la détention s’était borné à reproduire in extenso la requête du procureur de la République pour motiver une ordonnance autorisant des perquisitions sans assentiment.

Pour écarter cette exception, la cour d’appel retient en substance que « le grief n’est pas établi à partir du moment où le juge a visé l’article 76 précité ainsi que les diverses infractions suspectées en précisant qu’elles étaient punies d’une peine égale ou supérieure à cinq ans, et où il a pris factuellement en considération le risque de dépérissement des preuves au regard de la gravité et du nombre d’infractions, la personnalité des suspects, ainsi que le caractère simultané de plusieurs perquisitions à intervenir, rendant impossible la présence de l’intéressé sur l’ensemble des lieux concernés ».

La chambre criminelle estime « qu’en prononçant ainsi, par des énonciations qui font ressortir que la motivation de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention répondait aux prescriptions de l’article 76, alinéa 4, du code de procédure pénale, la cour d’appel a justifié sa décision, peu important que les motifs de ladite décision, analysant les éléments de fait et de droit rendant nécessaire la mesure, soient exactement repris des termes de la requête du procureur de la République ».

En matière d’actes d’investigation extraordinaire et plus particulièrement en matière d’ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant des perquisitions sans assentiment sur le fondement de l’article 76, alinéa 4, du code de procédure pénale, la Cour de cassation adopte une jurisprudence fluctuante.

Elle a ainsi pu estimer qu’« aucune disposition légale ne fait obstacle à ce que l’ordonnance du juge des libertés et de la détention se réfère expressément à la requête présentée par le procureur de la République aux fins de perquisition, en application de l’article 76, alinéa 4, lorsque celle-ci comporte toutes les indications exigées par le texte à peine de nullité » (Crim. 6 mars 2013, n° 12-87.810, D. 2013. 1993, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2013. 349, obs. J. Pronier ).

La Cour s’était ensuite écartée de cette position en estimant que « l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, qui se borne à se référer à la requête présentée par le procureur de la République aux fins de perquisition, en application de l’article 76, alinéa 4, n’est pas conforme aux exigences de ce texte » (Crim. 23 nov. 2016, n° 15-83.649, D. 2016. 2402, obs. N. explicative de la Cour de cassation ; ibid. 2017. 245, chron. G. Guého, L. Ascensi, E. Pichon, B. Laurent et G. Barbier ; AJ pénal 2017. 43, obs. J.-B. Thierry ; ibid. 76, note J.-B. Thierry ; Gaz. Pal. 24 janv. 2017, p. 60, note Fourment ; Procédures 2017, n° 16, note Chavent-Leclère).

Par l’arrêt du 21 janvier 2020, il semble que la Cour admette que le juge des libertés et de la détention puisse motiver ses ordonnances par reprise des termes de la requête du procureur de la République à condition que toutes les énonciations répondent aux prescriptions de l’article 76, alinéa 4, du code de procédure pénale.

Il semble résulter de ces jurisprudences en apparence contradictoire que la motivation par simple référence soit prohibée mais que le juge des libertés et de la détention puisse recopier in extenso les termes de la requête du procureur de la République dès lors qu’ils répondent aux exigences de motivation de l’article 76, alinéa 4, du code de procédure pénale.

Cette position semble en adéquation avec les finalités de « la motivation de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention qui “doit permettre à l’intéressé de connaître les raisons précises pour lesquelles” l’acte a été autorisé » (J.-B. Thierry, De l’importance de la motivation : à propos des décisions du 23 novembre 2016, AJ pénal 2017. 76 ). Une motivation par simple renvoi n’offre pas les mêmes garanties de lisibilité et de clarté qu’une motivation par référence in extenso.

Sur ce point, la position de la chambre criminelle mériterait néanmoins des clarifications.