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QPC sur l’article 317 du code civil : circulez y’a rien à voir ?

La Cour de cassation a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité visant l’article 317 du code civil relatif à l’acte de notoriété. Pour la Haute juridiction, la question posée ne présente pas de caractère sérieux.

L’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation rendu le 3 septembre 2024 concerne l’acte de notoriété délivré – à l’époque, par le juge d’instance – sur le fondement de l’article 317 du code civil. Comme souvent en cas de litige en matière de possession d’état, l’affaire opposait une personne qui comptait, par ce biais, établir son lien de filiation à l’égard d’un homme et un héritier de celui-ci. Les faits de l’espèce méritent toutefois qu’on s’y attarde car ils interrogent sur les dysfonctionnements qui ont mené à la situation des parties, éclairent sur les raisons d’être et les fondements de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en même temps qu’ils tranchent avec le caractère lapidaire de la réponse de la Cour de cassation.

En février 1972, Mme X. a été inscrite à l’état civil comme issue du mariage de sa mère avec M. X. Le 19 juin 2018, le Tribunal d’instance de Montpellier, qui était pourtant informé de cette filiation, a délivré à Mme X. un acte de notoriété faisant foi de sa possession d’état d’enfant de M. Y., décédé le 7 décembre 2017. Peu après, toujours sans que personne ne se soucie de l’existence de la filiation légitime, l’officier de l’état civil, sur instruction du procureur de la République, porte mentions de l’acte de notoriété et de la filiation de Mme X. à l’égard de M. Y. en marge de l’acte de naissance de celle-ci. Un an plus tard, on imagine à l’occasion des opérations de succession de M. Y., le fils de M. Y. assigne Mme X. devant le Tribunal judiciaire de Montpellier en annulation et, subsidiairement, en inopposabilité, de l’acte de notoriété.

Par jugement du 6 juillet 2021, le tribunal a débouté les parties de l’ensemble de leurs demandes, constaté qu’il existait une irrégularité entachant l’acte de naissance de Mme X. en ce qu’il établit deux liens de filiation paternelle distincts et invité le procureur de la République à saisir la juridiction du conflit de paternité. Le fils de M. Y. a formé appel de cette décision. Par un arrêt du 9 novembre 2023, la Cour d’appel de Montpellier a confirmé la décision déférée en toutes ses dispositions en se fondant notamment sur l’irrecevabilité de l’action de M. Y. au regard des dispositions du dernier alinéa de l’article 317 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, qui disposait que ni l’acte de notoriété, ni le refus de le délivrer ne sont sujets à recours. C’est à l’occasion du pourvoi formé contre cette décision que le fils de M. Y. formulait une QPC relative à l’article 317. QPC que la Cour de cassation refuse de transmettre.

Une réponse de principe lapidaire…

La QPC examinée était ainsi formulée : « Les dispositions du dernier alinéa de l’article 317, dans leur rédaction issue de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, sont-elles contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au droit au recours effectif et au principe d’égalité devant la loi prévus respectivement par les articles 16 et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ainsi qu’au droit de mener une vie familiale normale garanti par le dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, en ce qu’elles prévoient que l’acte de notoriété, qui établit la filiation par possession d’état, n’est susceptible d’aucun recours même dans l’hypothèse où il a été délivré par le juge en violation de la règle d’ordre public de l’article 320 du code civil selon laquelle la filiation légalement établie fait obstacle, tant qu’elle n’a pas été contestée en justice, à l’établissement d’une filiation qui la contredirait ? ». La Cour de cassation, après avoir refusé d’examiner la conformité au principe d’égalité devant la loi en raison de l’absence d’éléments au soutien de cet argument dans le mémoire, dénie tout caractère sérieux à cette question tant au regard du droit à un recours effectif qu’à celui du droit de mener une vie familiale normale.

À s’en tenir à la réponse de la Cour de cassation, qui ne prend même pas la peine de rappeler le contenu des droits et libertés visés, l’absence de caractère sérieux ne faisait pas de doute. Cette réponse est formulée en deux temps.

Le premier temps est une réponse « générale ». Le grief relatif à l’absence de recours effectif ne pouvait prospérer puisque...

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