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Article
GPA : absence de contrariété à l’ordre public substantiel d’une décision étrangère établissant la filiation à l’égard de la mère d’intention qui n’est pas la mère biologique
GPA : absence de contrariété à l’ordre public substantiel d’une décision étrangère établissant la filiation à l’égard de la mère d’intention qui n’est pas la mère biologique
La Cour de cassation apporte une nouvelle pierre à l’édifice de sa jurisprudence relative aux conditions de régularité des jugements étrangers établissant des liens de filiation pris dans le cadre des conventions de mère porteuse conclues à l’étranger. L’absence de lien biologique entre l’enfant et la mère d’intention ne heurte pas l’ordre public international français.
par Amélie Panet-Marre, Maître de conférences, Université de Lyon IIIle 26 novembre 2024
Madame S. a conclu avec Madame U. une convention de gestation pour autrui au Canada. L’enfant, né le 8 décembre 2019, a été conçu avec les gamètes de deux tiers donneurs. Une décision de la Cour suprême de la province de Colombie-Britannique du 1er février 2021 a affirmé que Madame S. était le seul parent de l’enfant et qu’elle détiendra sa garde exclusive et l’ensemble des droits parentaux à son égard. La mère d’intention a ensuite assigné le procureur de la République près le Tribunal judiciaire de Paris pour voir prononcer l’exequatur du jugement canadien et juger que celui-ci produirait les effets d’une adoption plénière. La Cour d’appel de Paris, par un arrêt du 18 avril 2023, confirme la décision des premiers juges et accède aux demandes de la mère d’intention. L’arrêt déclare exécutoire l’ordonnance canadienne ayant établi la filiation de l’enfant à l’égard de la mère d’intention et dit que la décision produira en France les effets d’une adoption plénière.
Le procureur forme alors un pourvoi en cassation. Il estime que, eu égard à l’article 16-7 du code civil qui prohibe la gestation pour autrui en droit français, une décision étrangère consacrant la filiation d’un enfant né à la suite d’une convention de gestation pour autrui à l’égard d’une personne n’ayant aucun lien biologique avec l’enfant n’est pas conforme à l’ordre public international français. Par ailleurs, le procureur estime qu’en considérant que l’exequatur de l’ordonnance canadienne produira les effets d’une adoption plénière en France, la cour d’appel a procédé à une révision prohibée de la décision étrangère et violé l’article 509 du code de procédure civile.
Après avoir visé l’article 509 du code de procédure civile, la Cour rappelle de façon pédagogique que « pour accorder l’exequatur, le juge français doit, en l’absence de convention internationale, s’assurer que trois conditions sont remplies, à savoir la compétence indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l’ordre public international de fond et de procédure, ainsi que l’absence de fraude. Il lui est interdit de réviser au fond le jugement ».
La Cour de cassation répond ensuite en deux temps à la question de savoir si un jugement étranger qui établit la filiation d’un enfant issu d’une gestation pour autrui à l’égard d’une personne n’ayant aucun lien biologique avec l’enfant se heurte à l’ordre public international français. Elle rappelle d’abord qu’eu égard à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme, la circonstance que l’enfant soit né d’une gestation pour autrui ne peut à elle seule faire obstacle à la reconnaissance en France des liens de filiation établis à l’étranger tant à l’égard du parent biologique qu’à l’égard du parent d’intention. Elle démontre ensuite qu’aucun principe essentiel du droit français n’interdit la reconnaissance en France d’une filiation établie à l’étranger qui ne correspondrait pas à la réalité biologique. Vérifiant ensuite minutieusement l’examen des conditions de régularité de la décision canadienne opérée par la cour d’appel, la Cour de cassation en confirme l’analyse et retient à son tour que les conditions de l’exequatur sont réunies.
En revanche, en ce qui concerne les effets à accorder au jugement revêtu de l’exequatur, elle accueille le moyen du procureur : la décision revêtue de l’exequatur n’étant pas un jugement d’adoption, elle ne saurait produire en France, les effets d’une adoption plénière. La Cour de cassation, après avoir rappelé le principe qu’elle a elle-même posé quelques semaines auparavant (v. Civ. 1re, 2 oct. 2024, n° 23-50.002, Dalloz actualité, 18 oct. 2024, obs. A. Panet-Marre ; AJ fam. 2024. 485, édito. V. Avena-Robardet ) casse et annule l’arrêt d’appel en ce qu’il dit que l’ordonnance canadienne produira en France les effets d’une adoption plénière. Elle dit n’y avoir lieu à renvoi : la filiation sera reconnue en tant que telle en France et produit les effets qui lui sont attachés conformément à la loi applicable à chacun de ces effets.
Deux aspects nous intéresseront pour cette brève analyse de la solution : la question de la contrariété à l’ordre public international, de fond comme de procédure, ainsi que les effets qu’il convient d’accorder à un jugement étranger établissant la filiation d’un enfant né d’une gestation pour autrui revêtu de l’exequatur.
La décision paraît faussement libérale, et nul doute qu’une partie de la doctrine ne manquera pas de s’en émouvoir. Pourtant, tant par son apport que par ses confirmations, elle ne fait qu’adopter une position équilibrée et respectueuse du droit positif français et des droits fondamentaux, sans pour autant donner son blanc-seing à l’accueil des gestations pour autrui conclues à l’étranger.
Un apport
La Cour de cassation rappelle d’abord que le recours à une gestation pour autrui ne suffit pas à elle seule à faire échec à la reconnaissance du jugement étranger avant d’affirmer que l’existence ou non d’un lien biologique entre l’enfant et son parent d’intention est sans incidence à cet égard.
L’absence de contrariété à l’ordre public international français de la gestation pour autrui pratiqué à l’étranger ?
Qu’il nous soit pardonné, pour la clarté de l’analyse, de revenir sur des éléments bien connus en la matière. La gestation pour autrui est explicitement condamnée dans son principe depuis l’arrêt de l’assemblée plénière du 31 mai 1991 (Cass., ass. plén., 31 mai 1991, n° 90-20.105, D. 1991. 417 , rapp. Y. Chartier ; ibid. 318, obs. J.-L. Aubert , note D. Thouvenin ; ibid. 1992. 59, obs. F. Dekeuwer-Défossez ; RFDA 1991. 395, étude M. Long ; Rev. crit. DIP 1991. 711, note C. Labrusse-Riou ; RTD civ. 1991. 517, obs. D. Huet-Weiller ; ibid. 1992. 88, obs. J. Mestre ; ibid. 489, étude M. Gobert ). La solution a ensuite été codifiée en 1994 à l’article 16-7 du code civil, qui prohibe clairement les conventions de gestation pour autrui, et le législateur ne s’est pas aventuré à remettre en cause cette interdiction dans la dernière réforme des lois bioéthiques de 2021. La vigueur du principe de l’indisponibilité du corps humain en droit français conduit à frapper de nullité absolue les conventions de mère porteuse.
Incontestablement, dans l’ordre juridique interne, la gestation pour autrui contrevient à l’ordre public.
Pour autant, faut-il en conclure que la pratique des mères porteuses heurte l’ordre public français en matière international, dont on sait qu’il est plus resserré que notre ordre public interne ?
Dans un premier temps la Cour de cassation, avait retenu la contrariété à l’ordre public international français des gestations pour autrui, notamment dans les très célèbres arrêts Mennesson et Labassée (Civ. 1re, 6 avr. 2011, nos 09-66.486 et 10-19.053, Dalloz actualité, 14 avr. 2011, obs. C. Siffrein-Blanc ; D. 2011. 1522 , note D. Berthiau et L. Brunet ; ibid. 1001, édito. F. Rome ; ibid. 1064, entretien X. Labbée ; ibid. 1585, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 1995, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 2012. 308, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; ibid. 1228, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; AJ fam. 2011. 262 ; ibid. 265, obs. B. Haftel ; ibid. 266, interview M. Domingo ; AJCT 2011. 301, obs. C. Siffrein-Blanc ; RTD civ. 2011. 340, obs. J. Hauser ) : « Est justifié le refus de transcription d’un acte de naissance établi en exécution d’une décision étrangère, fondé sur la contrariété à l’ordre public international français de cette décision, lorsque cette dernière heurte des principes essentiels du droit français ». Cette position a conduit à la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme en 2014 (CEDH 26 juin 2014, n° 65941/11, Dalloz actualité, 30 juin 2014, obs. T. Coustet ; AJDA 2014. 1763, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2014. 1797, et les obs. , note F. Chénedé ; ibid. 1787, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 1806, note L. d’Avout ; ibid. 2015. 702, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 755, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; ibid. 1007, obs. REGINE ; ibid. 1056, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; AJ fam. 2014. 499 ; ibid. 396, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; Rev. crit. DIP 2015. 1, note H. Fulchiron et C. Bidaud-Garon ; RTD civ. 2014. 616, obs. J. Hauser ; ibid. 835, obs. J.-P. Marguénaud ). Les juges de Strasbourg avaient en effet estimé que l’article 8 de la convention avait été violé en ce que le droit au respect de la vie privée de l’enfant, particulièrement sur le droit d’établir la substance de son identité, y compris sa filiation. Par un remarqué arrêt d’assemblée plénière du 4 octobre 2019 (Cass., ass. plén., 4 oct. 2019, n° 10-19.053 P+B+R+I, Dalloz actualité, 8 oct. 2019, obs. T. Coustet ; D. 2019. 2228, et les obs. , note H. Fulchiron et C. Bidaud ; ibid. 1985, édito. G. Loiseau ; ibid. 2000, point de vue J. Guillaumé ; ibid. 2423, point de vue T. Perroud ; ibid. 2020. 506, obs. M. Douchy-Oudot ; ibid. 677, obs. P. Hilt ; ibid. 843, obs. RÉGINE ; ibid. 951, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; ibid. 1696, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; JA 2019, n° 610, p. 11, obs. X. Delpech ; AJ fam. 2019. 592, obs. J. Houssier , obs. G. Kessler ; ibid. 481, point de vue L. Brunet ; ibid. 487, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RTD civ. 2019. 817, obs. J.-P. Marguénaud ; ibid. 841, obs. A.-M. Leroyer ; ibid. 2020. 459, obs. N. Cayrol ), la Cour de cassation clôturait la saga Mennesson, en ordonnant la transcription totale des actes de naissance des jumelles, mais pour des raisons tenant aux circonstances concrètes de la cause et à la longueur de la procédure. On pensait alors que la filiation devait, sauf exception comme dans l’affaire Mennesson, s’opérer par transcription pour le père (biologique) d’intention et par la voie de l’adoption pour la mère d’intention (v. en ce sens, S. Bollée et B. Haftel, L’art d’être inconstant – Regards sur les récents développements de la jurisprudence en matière de gestation pour autrui, Rev. crit. DIP 2020. 267 ). Mais quelques semaines plus tard, la Cour de cassation semblait faire de la transcription une solution de principe (Civ. 1re, 18 déc. 2019, n° 18-12.327, Dalloz actualité, 20 déc. 2019, obs. T. Coustet ; AJ fam. 2019. 175, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; 4 nov. 2020, n° 19-50.042, Dalloz actualité, 12 nov. 2020, obs. L. Gareil-Sutter ; D. 2021. 499, obs. M. Douchy-Oudot ; AJ fam. 2020. 664 ; ibid. 616, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RTD civ. 2021. 115, obs. A.-M. Leroyer ; 18 nov. 2020, n° 19-50.043, Dalloz actualité, 3 déc. 2020, obs. L. Gareil-Sutter ; D. 2020. 2289 ; ibid. 2021. 657, obs. P. Hilt ; ibid. 762, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; AJ fam. 2021. 54, obs. C. Latil ; RTD civ. 2021. 115, obs. A.-M. Leroyer ). Pour briser cette jurisprudence, le législateur a modifié la rédaction de l’article 47 du code civil, qui empêche d’accorder une force probante aux actes d’état civil étrangers s’ils contiennent des mentions qui ne correspondent pas à la réalité, « celle-ci [étant] appréciée au regard de la loi française » (v. à cet égard, C. Bidaud, La force probante des actes de l’état civil étrangers modifiée par la loi bioéthique : du sens à donner à l’exigence de conformité des faits à la réalité appréciée au regard de la loi française, Rev. crit. DIP 2022. 35 ).
La voie de la transcription étant devenue périlleuse, les plaideurs s’orientent alors sur l’exequatur des décisions étrangères consacrant un lien de filiation entre l’enfant né d’une mère porteuse et son (ses) parent(s) d’intention. C’est dans ce contexte que la Cour de cassation s’attache à examiner la contrariété de ces décisions à l’ordre public international français. C’est là l’objet de son premier temps de raisonnement dans l’affaire sous examen : elle rappelle que l’ordre public international français inclut les droits reconnus par la Convention européenne des droits de l’homme (§ 10). Or, au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, la circonstance que sa naissance à l’étranger ait pour origine une convention de gestation pour autrui, dont la Cour rappelle la prohibition au plan interne, ne peut à elle...
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