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Quelle articulation pour la régulation sectorielle et l’article 102 du TFUE dans le cadre du private enforcement ?

Dans cette affaire, il était essentiellement demandé à la CJUE de se prononcer sur l’articulation entre le droit sectoriel de l’Union européenne, en l’occurrence la directive 2001/14, qui vise à concentrer les décisions sur la légalité des redevances d’accès aux infrastructures auprès de l’autorité de régulation compétente, et les demandes privées de dommages et intérêts fondées sur une violation concomitante de l’article 102 du TFUE et des dispositions nationales correspondantes. En résumé, la Cour a estimé que les juridictions civiles nationales ne peuvent accorder des dommages et intérêts au titre du droit de la concurrence qu’une fois que l’autorité de régulation a établi l’illégalité des redevances au regard de la réglementation sectorielle.

La question de l’articulation entre la régulation sectorielle et l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) est connue de longue date, comme en témoigne la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE 14 oct. 2010, Deutsche Telekom c. Commission, aff. C-280/08 P, § 80 s., RSC 2012. 315, chron. L. Idot ; RTD eur. 2011. 409, obs. J.-B. Blaise ; 10 juill. 2014, Telefónica et Telefónica España c. Commission, aff. C-295/12 P, § 135, RTD eur. 2014. 949, obs. L. Idot ). Toutefois, l’arrêt soumis à nos observations se démarque en ce qu’il ne concerne pas le public enforcement, mais le private enforcement.

En l’espèce, le litige opposait ODEG, une entreprise ferroviaire spécialisée dans le transport de passagers sur de courtes distances, à DB Station & Service, un gestionnaire d’infrastructure et filiale de Deutsche Bahn AG, l’opérateur ferroviaire historique en Allemagne. La première utilisait l’infrastructure ferroviaire de la seconde en contrepartie du paiement de redevances déterminées sur la base d’un barème établi par cette dernière. Le 1er décembre 2005, DB Station & Service a introduit un nouveau barème de prix appelé SPS 05, ce qui a entraîné une augmentation des redevances d’infrastructure pour ODEG, qu’elle a payées sans pour autant être d’accord sur leur montant.

Par une décision du 10 décembre 2009, l’agence fédérale des réseaux a invalidé SPS 05 avec effet au 1er mai 2010. DB Station & Service a introduit un recours devant le tribunal administratif supérieur de Rhénanie-du-Nord-Westphalie qui, par décision du 23 mars 2010, a reconnu un effet suspensif à ce recours. Toutefois, au moment où la juridiction de renvoi a adopté sa décision de renvoi, ce tribunal n’avait toujours pas statué sur le fond.

ODEG a intenté plusieurs recours devant le tribunal régional de Berlin afin d’obtenir le remboursement de prétendus trop-perçus par DB Station & Service au titre du SPS 05 entre novembre 2006 et décembre 2010. Ces recours ont été accueillis par ce tribunal sur la base de considérations liées à l’équité en vertu de l’article 315 du code civil allemand, qui permet de rétablir l’équilibre contractuel.

DB Station & Service a interjeté appel devant le tribunal régional supérieur de Berlin, qui a joint les différentes affaires par ordonnance du 30 novembre 2015.

Ce dernier tribunal s’est interrogé sur l’interprétation à donner à la directive 2001/14 applicable en l’espèce et, plus précisément sur la possibilité d’appliquer la solution de l’arrêt CTL Logistics de la CJUE du 9 novembre 2017, rendu dans un litige similaire, en matière de contrôle des redevances au titre de l’article 102 du TFUE et du droit national de la concurrence. Dans cette affaire, la Cour a jugé qu’une demande de remboursement des redevances d’infrastructure au titre du droit civil allemand n’est possible que si une décision préalable de l’organisme de contrôle a constaté que ces redevances sont excessives au...

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