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Retour sur la forme du mandat sportif

L’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 n’impose pas que le contrat de mandataire sportif confié à un avocat soit établi sous la forme d’un acte écrit unique.

par Jean-Denis Pellierle 5 mars 2019

La Cour de cassation se montre très souple quant à la forme du mandat d’agent sportif, comme en témoigne l’arrêt rendu par la première chambre civile le 20 février 2019. En l’espèce, par convention du 20 octobre 2012, une joueuse professionnelle de handball a confié à une société d’avocats un mandat exclusif d’une durée de deux ans avec une mission d’assistance et de conseil juridique dans la négociation et la rédaction d’un contrat de travail et de tout autre contrat qui pourrait lui être nécessaire ou/et accessoire dans les relations avec son club employeur. Le même jour, les parties ont signé un document intitulé « fonctionnement de la convention d’intervention ». Par la suite, le 26 avril 2013, la cliente a conclu un contrat de travail avec un club sportif. Puis, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 29 janvier 2014, elle a résilié le mandat moyennant un préavis de dix jours. Le 13 mars 2014, elle a signé la prolongation de son contrat de travail avec le même club. La société d’avocats l’a alors assignée en paiement d’une indemnité d’éviction.

Condamnée à payer une certaine somme à cette société par arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 5 septembre 2017, l’intéressée se pourvut en cassation. Elle prétendit en premier lieu qu’à peine de nullité, le contrat de mandat sportif conclu avec un avocat doit préciser de façon claire et précise la rémunération du mandataire, sans renvoyer pour cela à une autre convention. La convention litigieuse serait donc nulle en ce qu’elle ne mentionnait pas précisément le montant de la rémunération du cabinet d’avocats, se bornant à prévoir qu’« une convention d’honoraires pourra être signée entre les parties, par acte sous seing privé séparé » et que « le coût de l’intervention du conseil sera d’un maximum de 8 % du montant brut du contrat ». Par conséquent, en admettant qu’un avocat puisse valablement fixer le montant de sa rémunération d’agent sportif par renvoi à une autre convention, la cour d’appel aurait violé l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. L’argument ne trouve pas grâce aux yeux de la Cour de cassation : « Mais attendu que l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 n’impose pas que le contrat de mandataire sportif confié à un avocat soit établi sous la forme d’un acte écrit unique ; que le moyen n’est pas fondé ».

La solution est logique, tout d’abord au regard de l’alinéa 3 de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, dite Macron, qui prévoit que, « sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés ». En effet, ce texte n’impose nullement que l’écrit prenne corps au sein d’un acte unique. La solution est également justifiée au regard de l’article L. 222-17 du code du sport, issu de la loi n° 2010-626 du 9 juin 2010 encadrant la profession d’agent sportif. Ce texte exige certes un écrit à peine de nullité, faisant ainsi du contrat de mandat d’agent sportif un contrat solennel. Mais, là encore, cet écrit ne doit pas nécessairement prendre la forme d’un acte unique, de sorte qu’un échange de courriels peut parfaitement constituer l’écrit exigé (v. déjà en ce sens Civ. 1re, 11 juill. 2018, n° 17-10.458, Dalloz actualité, 6 sept. 2018, obs. J.-D. Pellier ; ibid. 2019. 400, obs. Centre de droit et d’économie du sport (OMIJ-CDES) ; AJ Contrat 2018. 397, obs. F. Buy ; JS 2018, n° 190, p. 9, obs. J. Mondou ; v. égal. de manière plus générale, Civ. 3e, 7 avr. 2010, n° 08-21.282, Dalloz jurisprudence).

En second lieu, pour condamner la cliente à payer une certaine somme à la société, l’arrêt retient que, dans le document intitulé « Fonctionnement de la convention d’intervention », en cas de manquement aux obligations contractuelles, la sanction encourue est déterminable avec précision, de sorte que le grief de nullité pour imprécision n’est pas fondé. L’arrêt est cette fois-ci cassé, au visa de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 : « Qu’en statuant ainsi, alors que les deux conventions formant le mandat confié à la société prévoyaient, la première, des honoraires d’un montant maximum de 8 % du montant brut du contrat de travail et, la seconde, en cas de manquement aux obligations, d’éventuels honoraires d’un montant de 8 % sur la base du salaire brut, des primes et des avantages en nature annuels, de sorte qu’il ne résultait pas de ces stipulations un montant déterminable et précis des honoraires de l’avocat, et qu’ainsi, la nullité de ces conventions était encourue, la cour d’appel a violé le texte susvisé ». La solution est justifiée : comme l’avait soutenu la cliente, les juges du fond avaient manifestement confondu la détermination de la rémunération due à l’avocat et l’indemnité due en cas de manquement du client à ses obligations. La cassation était donc encourue à juste titre.