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Usage non autorisé d’une photographie : quand l’originalité fait défaut
Usage non autorisé d’une photographie : quand l’originalité fait défaut
L’article inaugural du code de la propriété intellectuelle se présente, tel un socle que d’aucuns croiraient inébranlable. Celui-ci reconnaît sans ambages que « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous » (CPI, art. L. 111-1). Le code se livre plus loin à une énumération des créations auxquelles il accorde le qualificatif « d’œuvres de l’esprit ». Parmi celles-ci se trouvent visées en son alinéa 9 « les œuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie ». Gare toutefois aux périlleux raccourcis qui viseraient à accorder une protection systématique, au titre du droit d’auteur, à toute œuvre photographique ! Telle est la problématique sur laquelle s’est strictement penchée la cour d’appel de Paris, nourrissant un vif débat qui n’est pas sans intéresser également le juge administratif.
par Delphine Mahé, Avocate en droit de la propriété intellectuellele 14 décembre 2022
Les faits d’espèce sont simples et classiques. M. X. se présente comme un photographe professionnel renommé, établi en Nouvelle-Calédonie. Il précise réaliser des photographies de paysages marins et terrestres, y compris en vue aérienne, ainsi que des clichés représentant l’architecture néo-calédonienne et la vie quotidienne des habitants des îles et des archipels. La société REZO, quant à elle, exerçant sous le nom commercial Actu.nc, a pour activité l’édition et la distribution d’un magazine en Nouvelle-Calédonie intitulé Actu.Nc, décrit comme un hebdomadaire calédonien d’informations générales.
Le photographe expose que, dans le cadre de son activité professionnelle, il a réalisé un cliché en prise de vue aérienne représentant un paysage côtier situé en Nouvelle-Calédonie. Or, selon lui, la société Actu.nc aurait reproduit, d’une part, sans son autorisation, cette photographie au sein du numéro 191 du magazine Actu.Nc du 16 novembre 2017 et ce, afin d’illustrer la page de couverture et d’autre part, en ayant procédé à un recadrage dudit cliché.
La réponse est classique, puisque le photographe adresse alors une mise en demeure à la société ACTU.NC d’avoir à réparer le préjudice subi du fait de la violation qu’il estime avoir subie de ses droits d’auteur. Faisant manifestement face à l’absence de retour favorable de la part de la société ACTU.NC, il l’attrait devant le tribunal judiciaire de Paris suivant exploit d’huissier en date du 7 août 2019.
La démonstration de l’empreinte de la personnalité du photographe
Les termes du débat porté devant la juridiction de première instance étaient clairs : le cliché litigieux pouvait-il être considéré comme original et dès lors, éligible à la protection par le droit d’auteur ? Par voie de conséquence, et dans l’affirmative, la société ACTU.NC se retrouverait-elle en situation de contrefaçon d’une œuvre protégée ?
Quelques rappels utiles s’imposent. La jurisprudence est depuis de longues années établie aux fins de considérer qu’une photographie peut être considérée comme originale lorsqu’elle révèle la personnalité de son auteur, par les choix spécifiques que celui-ci opère : choix de la pose, de l’angle de prise de vue, de la lumière, de la mise en scène, du cadrage notamment (TGI Paris, 14 mai 1987).
Elle a ainsi pu rappeler à propos de clichés de mode qui avaient été intégrés, sans l’autorisation du photographe, dans les œuvres d’une peintre : « les trois œuvres de M. X. étaient caractérisées par la présentation, en oblique, d’un visage féminin, très pâle, émergeant d’une abondante chevelure sombre, bouclée, faisant ressortir des touches de vives couleurs et que l’attention était attirée soit sur les lèvres maquillées du mannequin aux yeux clos évoquant le sommeil, soit sur son regard en coin, fixe, s’imposant quoique les yeux soient à peine entrouverts, la cour d’appel en a souverainement déduit que ces choix, librement opérés, traduisaient, au-delà du savoir-faire d’un professionnel de la photographie, une démarche propre à son auteur, qui portait l’empreinte de la personnalité de celui-ci (Civ. 1re, 15 mai 2015, n° 13-27.391, Dalloz actualité, 2 juin 2015, obs. J. Daleau ; D. 2015. 1094, obs. A. T. ; ibid. 1672 , note A. Bensamoun et P. Sirinelli ; Légipresse 2015. 331 et les obs. ; ibid. 474, comm. V. Varet ; JAC 2015, n° 26, p. 6, obs. E. Treppoz ; ibid. 2016, n° 39, p. 28, étude E. Treppoz ; RTD com. 2015. 509, obs. F. Pollaud-Dulian ; ibid. 515, obs. F. Pollaud-Dulian ).
L’ultime précision est essentielle puisque la photographie, pour pouvoir être considérée comme originale, ne doit pas être uniquement la traduction d’un savoir-faire professionnel, mais bien apporter la démonstration d’une démarque spécifique...
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