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Pas de consécration générale de la cession de créance à titre de garantie

En dehors des cas prévus par la loi, l’acte par lequel un débiteur cède et transporte à son créancier, à titre de garantie, tous ses droits sur des créances, constitue un nantissement de créance.

par X. Delpechle 5 janvier 2007

C’est une très belle question de principe qui a été soumise à la Chambre commerciale de la Cour de cassation : à défaut de disposition légale, une créance peut-elle être cédée en pleine propriété à titre de garantie ? Elle y répond par la négative, à l’occasion d’un arrêt de cassation, dans un attendu très bien ciselé qui est la marque des décisions amenées à faire date.

Ceux qui espéraient la solution inverse et que la Haute juridiction se révèle audacieuse – ce dont elle s’est parfois montrée capable (V. en ce sens, P. Catala et P.-Y. Gautier, L’audace technologique à la Cour de cassation. Vers la libération de la preuve contractuelle, JCP E 1998, p. 884) –, en consacrant de manière générale, en dehors d’une assise légale, la fiducie de créance – et les analystes les plus téméraires ne se seraient sans doute pas privés d’une extrapolation et d’étendre la portée de la solution qui aurait pu être adoptée à l’ensemble des biens incorporels, voire corporels – resteront sur leur faim. La Chambre commerciale n’a pas osé ouvrir la boîte de Pandore et empiéter sur les pouvoirs du législateur, préférant la méthode des petits pas, consistant à se contenter, uniquement dans le cadre de textes qui envisagent expressément la cession fiduciaire de créance, à combler les lacunes de la loi et contribuer à dessiner les contours du régime de cette institution (V. en ce sens, Cass. com., 22 nov. 2005, D. 2005, AJ p. 3081, obs. X. Delpech  ; RTD com. 2006, p. 169, obs. D. Legeais  ; JCP E 2006, n° 14-15, p. 673, obs. M. Cabrillac ; Defrénois 2006, p. 601, obs. E. Savaux ; RD bancaire et fin. 2006, n° 16, obs. A. Cerles ; Banque et droit mars-avr. 2006, p. 67, obs. T. Bonneau ; RJDA 2006, n° 325, qui, à propos d’une « cession Dailly » à titre de garantie, mode d’utilisation de ce mécanisme simplifié de créance expressément prévu par l’article L. 313-24, alinéa 1er, du Code monétaire et financier, précise que celle-ci implique la restitution du droit cédé au cas où la créance garantie viendrait à être payée). Si l’on devait résumer, en une formule elliptique, la doctrine de la Cour de cassation en la matière, ce serait : « Pas de fiducie sans texte ».

L’explication juridique qui peut être donnée à cette position somme toute conservatrice n’innove pas : le visa retenu, celui de l’ex-article 2078 du Code civil – et spécialement son alinéa second – texte d’ordre public antérieur à l’ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés, alors applicable, doit être interprété comme voulant dire que la cession fiduciaire, et plus précisément la fiducie-sûreté, contrevient à la règle de la prohibition du pacte commissoire. C’est d’ailleurs là la justification classiquement retenue. L’arrêt du 19 décembre 2006 apparaît à cet égard comme une résurgence de la méfiance des tribunaux face à l’utilisation du droit de propriété comme un instrument de garantie, et fait songer à la jurisprudence, qui, avant qu’elle ne soit consacrée par une loi du 12 mai 1980, analysait volontiers la clause de réserve de propriété comme un gage sans dépossession simulé (V. sur ce point, A. Martin-Serf, L’interprétation extensive des sûretés réelles en droit commercial, RTD com. 1980, p. 677, spéc. nos 5 s. ; la Chambre criminelle, au regard de la législation sur l’usure, était également en ce sens, n’hésitant pas à requalifier l’escompte, qui emporte cession de créance,...

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