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Reportage 

Grands procès, petits tribunaux, nouvelles équations judiciaires

Parmi les procès de grande envergure de ces dernières années, certains se sont tenus dans des tribunaux de taille moyenne, peu habitués à recevoir une telle audience. Des évènements qui ont nécessité plusieurs années de pilotage concertées et l’instauration de dispositifs inédits. À Avignon, le procès des viols de Mazan a constitué un cas d’école. À présent, c’est le Tribunal de Vannes qui a été réaménagé pour recevoir l’affaire Le Scouarnec.

par Anaïs Coignac, Journalistele 4 mars 2025

À Vannes, un défi logistique et des critiques

« Lundi 24 février, quand on a ouvert les portes, tout le monde a très vite trouvé sa place », assure Marie-Line Pichon, la secrétaire générale de la première présidence de la Cour d’appel de Rennes, « la troisième de France », qui gère le procès Le Scouarnec, du nom du chirurgien jugé devant la Cour criminelle du Morbihan pour des viols et agressions sur 299 patients mineurs. Celui-ci se tient à Vannes, « un petit tribunal », convient la magistrate qui vivait cette semaine-là l’épreuve du feu. « Nous sommes sur le pont en permanence pour vérifier que tout fonctionne bien », signale-t-elle, pointant une « professionnalisation de la communication des magistrats » qui va de pair avec la médiatisation des affaires et un attrait croissant du public. « C’est positif car cela nous rapproche des citoyens ». Chaque jour, pour assister aux audiences qui démarrent à 13 h, une file de spectateurs se crée à 12h30. « Cela va se calmer », anticipe Marie-Line Pichon qui vente « un dispositif très novateur ». Ainsi, trois salles de retransmission en direct ont été installées dans l’ancienne faculté de droit de la ville, à 300 mètres de la salle d’audience, située, elle, dans l’enceinte du tribunal judiciaire. « La distance physique n’est pas une distance judiciaire », insiste la magistrate.

Les discussions autour du procès Le Scouarnec ont commencé dès juin 2022, à travers des comités de pilotage. Une quinzaine d’interlocuteurs se sont réunis tous les deux mois entre la Cour d’appel de Rennes, la direction régionale du secrétariat général, le Tribunal de Vannes et divers services du ministère de la justice. Ce projet a constitué « un défi logistique » selon Ronan Le Clerc, secrétaire général du parquet général qui évoque un coût total non définitif à trois millions d’euros. L’enjeu : accueillir les 299 victimes, leurs proches, les 63 avocats, 45 témoins et 10 experts, le public, l’accusé et les 543 journalistes, dessinateurs et opérateurs de presse accrédités (jamais tous présents en même temps). Après dix-huit mois de vaines tractations auprès des communes et salles de spectacle et d’exposition du département, la mairie vannetaise a mis à disposition « à titre gracieux » ce grand bâtiment. Les parties civiles s’y tiennent dans un amphithéâtre de 450 places avec un écran géant et une caméra fixe qui les filment. Une salle de presse avec 111 places a également été instaurée et une autre pour 100 personnes du public. La Cour criminelle du Morbihan dispose, elle, de 90 places. Soit une capacité d’accueil totale de 750 places. Peu avant l’ouverture du procès, une « marche à blanc » avait été organisée avec 70 participants afin d’anticiper les problèmes techniques et humains. Cela n’a pas empêché quelques couacs – « on est en train de se roder en tenant compte des remarques », déclare Marie-Line Pichon – et beaucoup de critiques.

Le 14 février, dans Libération, un collectif de trente-sept victimes représentées par l’avocate Marie Grimaud exprimait ses doutes quant à « la capacité de l’institution judiciaire à prendre la mesure des enjeux du procès ». « De la logistique à l’organisation des débats, tout concourt à nous invisibiliser », écrivaient les auteurs, dénonçant un planning « chargé », des débats « à distance » loin des avocats, des juges et de l’accusé qui n’aura pas à affronter « notre regard à tous, ensemble, nous qui sommes ses victimes d’une vie ». À l’ouverture du procès, la présidente Aude Buresi a tenté de rassurer : « La distance physique est liée à des contraintes matérielles et n’a nullement pour objet de vous tenir loin ». Celle-ci a d’ailleurs lancé l’initiative des chiens d’aide judiciaire présents pour les victimes. Sont également à leurs côtés en permanence un juriste et un psychologue, le personnel de l’association France victimes et un huissier qui fait le lien avec la salle d’audience si l’une d’elles souhaite intervenir. « Joël Le Scouarnec a devant lui les avocats, l’écran de retransmission de la salle des victimes, et elles vont déposer une à une tous les jours pendant trois mois », rappelle Marie-Line Pichon qui croit percevoir, in fine, « une distanciation appréciée » par les victimes qui n’ont pas à se tenir en permanence à proximité de leur agresseur.
 

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