Ce mercredi matin, au palais de justice de Nantes, les stigmates des mouvements de grève des professions judiciaires, tout particulièrement des greffiers, inondent les murs de la salle des pas perdus. « Greffes en colère », « Greffes muselés », « Vous nous avez bâillonnés, honte à vous », peut-on lire sur les innombrables affichettes qui s’offrent à la vue du justiciable au milieu des coupures de presse, caricatures et cartographies des tribunaux en grève. En cause, le grand chantier « Justice du XXIe siècle », lancé par la Chancellerie en début d’année.
Dans le même temps, les avocats aussi manifestaient à Nantes et un peu partout en France pour dénoncer le projet de réforme de l’aide juridictionnelle. Un système complexe d’accès pour le justiciable pour un peu que celui-ci touche plus qu’un RSA et de moins en moins rentable pour l’avocat qui n’a eu de cesse de le manifester depuis des années. En vain. La loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique compte à présent plus de 300 articles et pas moins d’une cinquantaine de modifications ont été apportées à ce droit, sans compter les innombrables circulaires et notes. Ce qui contribue grandement à faire de cette prestation sociale et juridique une vaste nébuleuse pour le justiciable. C’est d’ailleurs ce qu’explique noir sur blanc l’Inspection générale des services judiciaires dans son rapport de diagnostic rendu en novembre 2013 sur la gestion de l’aide juridictionnelle dans le cadre du projet de modernisation de l’action publique : « au-delà d’une complexité explicable, l’AJ tend à perdre sa lisibilité ». C’est même l’objet d’un sous-chapitre. De fait, la prise en charge des frais d’avocat, d’huissier ou d’expertise par l’État dans un litige ou une mise en cause pénale répond à certains critères de nationalité mais aussi de rémunération mis en parallèle avec des éléments comme le nombre de personnes à charge, le patrimoine, les ressources du conjoint : « des conditions dont les principes n’ont rien d’injustifié », plaide le rapport. Mais qui n’en sont pas moins complexes car l’aide juridictionnelle peut être « partielle » ou « totale ». Il appartient donc au justiciable, avec ou sans l’aide de son avocat, puis au bureau d’aide juridictionnelle (BAJ), de savoir s’il peut en bénéficier ou non.