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Amende forfaitaire et circulation routière : les pratiques policières sur la sellette européenne

L’irrecevabilité d’une requête en exonération d’une amende forfaitaire, fondée sur l’absence de motivation de la réclamation, qui a pour effet de convertir le paiement de la consignation en règlement de l’amende et d’éteindre l’action publique, méconnaît le droit d’accès au juge. 

par O. Bacheletle 22 mars 2012

À la suite du « flash » de son véhicule à une vitesse supérieure à celle autorisée, le requérant reçut un avis de contravention au code de la route l’invitant à payer une amende forfaitaire de soixante-huit euros. Utilisant le « formulaire de requête en exonération », il procéda à la consignation du montant de l’amende, expliqua ne pas avoir été le conducteur du véhicule lors des faits et demanda à obtenir une copie du cliché photographique afin de pouvoir éventuellement identifier le conducteur du véhicule. Néanmoins, l’officier du ministère public déclara cette requête en exonération irrecevable au motif qu’elle n’était pas accompagnée d’une contestation explicite de l’infraction. La consignation fut alors automatiquement considérée comme le paiement de l’amende à partir duquel le ministère de l’intérieur déduisit la réalité de l’infraction et procéda au retrait d’un point sur le permis de conduire du requérant. Celui-ci saisit alors la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en invoquant une violation du droit d’accès au juge et du droit à la présomption d’innocence.

À première vue, la modicité du montant de l’amende payée par le requérant pouvait laisser penser que sa requête serait déclarée irrecevable sur le fondement de l’article 35, § 3, b), de la Convention européenne des droits de l’homme (Conv. EDH), tel que modifié par le protocole n° 14, aux termes duquel une telle irrecevabilité peut désormais être décidée par la CEDH lorsque « le requérant n’a subi aucun préjudice important » (V. J.-F. Renucci et R. Toma, Saisine de la CEDH : le nouveau critère de recevabilité des requêtes individuelles, D. 2012. 123 ). Certes, ce texte aurait pu être invoqué par le gouvernement, dès lors qu’il est applicable aux requêtes non déjà déclarées recevables au jour de son entrée en vigueur – à savoir le 1er juin 2010 –, ce qui était le cas en l’espèce. Néanmoins, cette nouvelle cause d’irrecevabilité n’aurait pu être mise en œuvre par la Cour européenne puisque, même en l’absence d’un « préjudice important », elle ne saurait fonder le rejet d’une « affaire qui n’a pas été dûment examinée par un tribunal interne » (Conv. EDH, art. 35, § 3, b), in fine) Or la méconnaissance du droit d’accès au juge constituait précisément la critique majeure formulée par le requérant à l’encontre de la France.

Au-delà du caractère prétendument abusif de la requête, qui est rapidement écarté par la Cour, le gouvernement invoquait une cause d’irrecevabilité plus technique. Selon lui, le fait que le requérant n’ait ni soulevé un incident contentieux...

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