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Loi du 28 avril 2025 relative au renforcement de la sûreté dans les transports : extension du continuum de sécurité

La loi n° 2025-379 du 28 avril 2025 relative au renforcement de la sûreté dans les transports contient de nombreuses dispositions en lien avec la procédure pénale, que ce soit en matière de surveillance ou de répression. Elle doit être lue au regard de la décision du Conseil constitutionnel du 24 avril 2025, qui censure et précise plusieurs de ses articles. 

De l’aveu de ses auteurs, la proposition devenue loi du 28 avril 2025, aussi appelée loi Tabarot, s’inscrit dans la continuité de deux précédentes normes : la loi dite « Savary-Leroux » du 22 mars 2016, qui avait à la fois pour ambition de prévenir les actes terroristes et de lutter contre la fraude dans les transports collectifs de voyageurs, et la loi n° 2021-646 Sécurité globale du 25 mai 2021, dont l’objet dépassait largement le transport pour envisager une meilleure articulation des prérogatives des différents protagonistes du monde de la sécurité. C’est dans ce cadre que l’expression « continuum de sécurité » a été employée, comme désignant un idéal de synergie entre les forces de sécurité de l’État, les policiers municipaux et les agents privés de sécurité. La loi Tabarot ajoute à ce continuum les infrastructures de transport public. Dans un premier temps, à mi-chemin entre police judiciaire et police administrative, elle renforce les pouvoirs de différents agents mobilisés dans le monde du transport et acte un déploiement substantiel de la vidéoprotection dans et à l’extérieur des systèmes de transport. Dans un second temps, parce que le législateur ne limite jamais la sécurité au préventif, la loi crée de nouvelles infractions pénales relatives à l’abandon de bagages et aux incivilités dans les transports.

Les lois sécuritaires sont assez clivantes, mais, quelle que soit l’opinion qu’on en ait, on se lasse de leurs éternels retours. Bien que la loi du 28 avril 2025 puisse s’inscrire dans cette catégorie, on doit souligner que sa portée n’est pas aussi attentatoire aux droits et libertés qu’elle menaçait de l’être. La proposition de loi Tabarot a été déposée sur le bureau de la présidence du Sénat le 28 décembre 2023. Elle a suivi un parcours législatif relativement tumultueux (P. Januel, La loi sur la sûreté dans les transports poursuit sa route escarpée, Dalloz actualité, 14 févr. 2025), couronné par plusieurs censures du Conseil constitutionnel (Cons. const. 24 avr. 2025, Loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, n° 2025-878 DC, AJDA 2025. 795 ). Il est intéressant de remarquer qu’une partie des dispositions ont été adoucies dans le processus parlementaire. Ces évolutions méritent d’être évoquées, sans prétendre à l’exhaustivité. Par ailleurs, la majorité du contenu de la loi se borne à étendre le domaine d’application de pouvoirs et de dispositifs préexistants. Loin de marquer un tournant sécuritaire, la loi Tabarot constitue avant tout une extension technique du continuum de sécurité.

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Renforcement des prérogatives des agents des services internes de sécurité des infrastructures de transport

Un nombre conséquent de dispositions de la loi est consacré aux agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, respectivement nommés Sûreté ferroviaire de la SNCF (SUGE) et Groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR). La loi reconnaît désormais expressément que ces agents privés ont pour mission de « prévenir les atteintes à l’ordre public dans les lieux relevant de leur compétence » (C. transp., art. L. 2251-1). À cet égard, le législateur a étoffé leur pouvoir de contrôle, en élargissant le domaine des palpations de sécurité. Jusqu’alors, ils étaient soumis au régime de l’article L. 613-2 du code de la sécurité intérieure, qui suppose des circonstances particulières liées à l’existence de menaces graves pour la sécurité publique ou l’existence d’un périmètre de protection institué en application de l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure. Le nouvel article L. 2251-9 du code des transports reprend ces dispositions et ajoute qu’en l’absence de ces conditions, il est possible de procéder à une palpation avec le consentement de la personne si des éléments objectifs indiquent qu’une personne pourrait détenir des objets susceptibles de présenter un risque pour la sécurité des personnes et des biens. Des députés ont estimé que cette disposition méconnaissait l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en ce qu’elle délègue à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérente à l’exercice de la fonction publique (Cons. const. 24 avr. 2025, n° 2025-878 DC, préc., consid. 3), mais le Conseil constitutionnel n’a pas suivi leur moyen, au motif que les prérogatives des agents des services internes de sécurité avaient une portée limitée (Cons. const. 24 avr. 2025, n° 2025-878 DC, préc., consid. 12).

La loi étend aussi la compétence territoriale de ces agents. Pour la RATP, leur mission s’exerce en principe dans les emprises immobilières du réseau et dans les véhicules de transport public (C. transp., art. L. 2251-1-2) tandis que le service interne de sécurité de la SNCF l’exerce dans les emprises immobilières nécessaires à l’exploitation des services de transport ferroviaire et routier et dans les véhicules de transport public de personnes (C. transp., art. L. 2251-1-1). Le législateur a redéfini cet espace, en ajoutant les services de transport routier effectués en substitution aux services publics de transport ferroviaire de voyageurs. Les agents du SUGE et du GPSR peuvent aussi intervenir sur la voie publique, dans les conditions restrictives des articles R. 2251-28 et suivants du code des transports, qui supposent notamment une autorisation préalable par un responsable du service et un ordre de mission (C. transp., art. R. 2251-29). Le nouvel article L. 2251-1-4 du code des transports leur permet désormais d’intervenir sur la voie publique, aux abords immédiats des lieux où ils exercent habituellement leur mission, lorsqu’un outrage sexiste contraventionnel ou aggravé, une infraction mentionnée dans...

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