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Abus de confiance : le fait justificatif tiré de l’exercice des droits de la défense applicable en dehors du cadre prud’homal

La chambre criminelle rappelle que lorsque la commission d’une infraction, en l’occurrence l’abus de confiance, est strictement nécessaire pour l’exercice des droits de la défense du prévenu, la relaxe de ce dernier s’impose.

par Juliette Bonneaultle 31 mars 2023

À la suite du placement en retenue douanière d’un lot de chaussures de marque, une société A a assigné en contrefaçon de marque la société expéditrice (société B). Cette dernière, afin de démontrer que les produits retenus étaient authentiques, a produit en défense plusieurs documents notamment relatifs à des mesures de vérification et à des échanges de correspondances électroniques internes à la société A, celle-ci affirmant que ces documents lui auraient été frauduleusement soustraits.

Le dirigeant de la société expéditrice a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de recel de documents confidentiels provenant d’un délit commis au préjudice de la société. Il est condamné pour abus de confiance. Le dirigeant, le ministère public et la société ont tous trois relevé appel de cette décision.

En appel, le dirigeant a été déclaré coupable des chefs de violation du secret des correspondances et de recel d’abus de confiance. Pour la cour d’appel, ces faits ne pouvaient être justifiés par l’exercice des droits de la défense, car ce fait justificatif n’est admis que dans le cadre d’un litige entre salarié et employeur.

Le dirigeant se pourvoit alors en cassation. Il explique que la commission de certaines infractions peut être justifiée si elle est strictement nécessaire à l’exercice des droits de la défense de son auteur, en dehors du seul cadre prud’homal. Il estime encore que la violation du secret des correspondances et le recul d’abus de confiance étaient ici strictement nécessaires à l’exercice de ses droits de la défense.

Ainsi, selon la chambre criminelle de la Cour de cassation, le fait justificatif tiré de l’exercice des droits de la défense n’a pas vocation à s’appliquer uniquement en matière de droit du travail. Au contraire, le bénéfice de ce fait justificatif ne saurait être restreint à la défense exercée dans un cadre prud’homal, à condition que l’infraction ainsi non punissable soit commise pour les strictes nécessités de la défense de son auteur.

Néanmoins, en l’espèce, au terme de leur appréciation souveraine, les juges du fond ont considéré que la commission des deux infractions reprochées n’était pas strictement nécessaire à l’exercice des droits de la défense, dans la mesure où la juridiction civile a rendu une décision après avoir écarté les pièces litigieuses, décision par ailleurs favorable au prévenu. Dès lors, le pourvoi formé par le dirigeant est rejeté.

L’extension du fait justificatif en dehors du cadre prud’homal

Pour rappel, la Cour de cassation avait à l’origine admis l’application d’un fait justificatif spécial tiré de l’exercice des droits de la défense en matière de vol, autorisant ainsi l’appréhension ou la reproduction des documents de l’entreprise par un salarié, à l’insu de son employeur, à la double condition que ces documents soient strictement nécessaires à l’exercice des droits de sa défense, dans le cadre d’un litige prud’homal (Crim. 11 mai 2004, n° 03-85.521 P, D. 2004. 2326, et les obs. , note H. K. Gaba ; ibid. 2760, obs. G. Roujou de Boubée ; Just. & cass. 2005. 376, concl. F. Fréchède ; ibid. 376, rapp. C. Nocquet ; Dr. soc. 2004. 938, note F. Duquesne ; RSC 2004. 635, obs. E. Fortis ; ibid. 866, obs. G. Vermelle ; RTD com. 2004. 823, obs. B. Bouloc et n° 03-80.254 P, D. 2004. 2326 , note H. K. Gaba ; ibid. 2759, obs. G. Roujou de Boubée ; RSC 2004. 635, obs. E. Fortis ; ibid. 866, obs. G. Vermelle ; RTD com. 2004. 823, obs. B. Bouloc ), cadre ensuite souvent rappelé par la chambre criminelle (Crim. 9 juin 2009, n° 08-86.843, D. 2010. 306 , note H. K. Gaba ; ibid. 2009. 1714, chron. P. Chaumont et E. Degorce ; ibid. 2825, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé et S. Mirabail ; AJ pénal 2009. 361 ; Dr. soc. 2009. 1182, note F. Desprez ; RSC 2010. 128,...

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