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Assurance vie en unités de compte : sanction du défaut de conseil

Le manquement d’un assureur ou d’un courtier à son obligation d’informer, à l’occasion d’un arbitrage, le souscripteur d’un contrat d’assurance vie libellé en unités de comptes sur le risque de pertes présenté par un support d’investissement, ou à son obligation de le conseiller au regard d’un tel risque, prive ce souscripteur d’une chance d’éviter la réalisation de ces pertes. Si ces pertes ne se réalisent effectivement qu’au rachat du contrat d’assurance vie, quand bien même le support en cause aurait fait antérieurement l’objet d’un désinvestissement, le préjudice résultant d’un tel manquement doit être évalué au regard, non de la variation de la valeur de rachat de l’ensemble du contrat, mais de la moins-value constatée sur ce seul support, modulée en considération du rendement que, dûment informé, le souscripteur aurait pu obtenir, jusqu’à la date du rachat du contrat, du placement des sommes initialement investies sur ce support.

par Vincent Rouletle 31 mars 2021

Les manquements des organismes assureurs et des intermédiaires d’assurance retiennent fréquemment l’attention des magistrats ; il est plus rare que ceux-ci se consacrent à la réparation de ces manquements. Allégée de longues discussions sur la réalité de la faute du professionnel de l’assurance, la Cour de cassation précise les conditions de la naissance du préjudice subi par l’assuré à raison d’un défaut d’information lors de l’acquisition de parts de FCP et les modalités d’évaluation de la perte de chance en découlant.

Après avoir souscrit plusieurs contrats d’assurance vie en unité de comptes, quatre personnes d’une même famille se sont vu proposer par la banque ayant opéré en tant qu’intermédiaire de modifier les unités de comptes. Ils acquirent ainsi en 2005 des parts du fonds commun de placement « Alpha », avant que, trois années plus tard, la banque leur recommande de les liquider intégralement, ce qui fut fait sans que soient rachetés les contrats d’assurance vie par lesquels les investissements avaient été réalisés. L’opération d’investissement puis de désinvestissement frappa doublement les souscripteurs : ceux-ci encaissèrent d’abord les pertes résultant des mauvaises performances du fonds à la suite de la crise de 2007 ; ils manquèrent ensuite le rattrapage de ces pertes lorsque, à compter de 2009, la valeur du fonds repartit à la hausse. Les souscripteurs assignèrent la banque en responsabilité à raison de la violation des obligations d’information et de conseil.

Du manquement de la banque lors de l’acquisition des parts du fonds Alpha, il ne fut que peu question dans le contentieux qui suivit. Il fut rapidement acquis que la banque s’était méprise dans la classification du fonds et avait présenté des documents manifestement erronés sur la nature réelle de l’investissement. Les souscripteurs n’étaient certes pas des profanes, ils ne recherchaient certes pas un placement à capital garanti, mais avaient manifesté leur volonté d’investir sur un support sécurisé ce que n’était manifestement pas le fonds Alpha. Du manquement de la banque lors de la liquidation des parts du fonds, il ne fut pas longuement débattu non plus : « le fait pour la Banque d’avoir en juillet 2008 alerté ses clients porteurs de parts du fonds Alpha sur l’évolution croissante de sa volatilité et de ses résultats négatifs, puis de les avoir invités à se retirer de ce fonds, dans un contexte de crise sévère et de résultats à la baisse particulièrement inquiétants, ne saurait constituer une faute de sa part, même si celui-ci a connu ensuite une hausse qu’elle n’avait pas anticipée » (Paris, pôle 5, 10 févr. 2015, n° 2012/20920).

Plus délicates furent les discussions autour de l’existence et de l’estimation du préjudice.

Existence du préjudice au dénouement du contrat

La cour...

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