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Au procès du « financement libyen » : « Ça me salit de répondre à des questions pareilles »

Devant la 32e chambre correctionnelle parisienne, le procès dit du « financement libyen » de la campagne présidentielle de 2007 entre ce lundi dans sa quatrième semaine. Jusqu’ici, les débats ont porté sur les éventuelles contreparties politiques et économiques que Nicolas Sarkozy aurait accordées au régime libyen pour honorer le pacte de corruption allégué avec Mouammar Kadhafi.

par Antoine Bloch, Journalistele 24 janvier 2025

Au cours de ces trois premières semaines d’audience, il fut essentiellement question de trois déplacements successifs d’officiels français à Tripoli, intervenus entre le 30 septembre et le 21 décembre 2005. Soit au moment où la Libye, au ban de la communauté internationale pendant un bon quart de siècle, était en passe de faire son come-back dans « le concert des nations » – et le commerce mondial –, de sorte que tout l’Occident s’y pressait, à commencer par l’Italie – ancienne puissance coloniale – ou la France, donc. Le premier de ces déplacements est celui de Claude Guéant, alors « dircab » de Nicolas Sarkozy, et visait à préparer, comme « précurseur », celui, imminent, de l’alors ministre de l’Intérieur lui-même.

Or, il est avéré qu’à cette occasion, le haut fonctionnaire a rencontré le plus infréquentable des dignitaires libyens : Abdallah Senoussi. Chef du renseignement militaire de la Jamahiriya et beau-frère de feu le « guide », il était alors – et il est d’ailleurs toujours – visé par plusieurs mandats d’arrêt internationaux – dont un de la CPI –, et avait été condamné par contumace en France à la réclusion perpétuelle. Son crime : avoir organisé, en 1989, une attaque terroriste au cours de laquelle un engin explosif avait pulvérisé un DC-10 de la compagnie UTA dans le ciel du Niger, faisant 170 victimes, dont 54 Français. Cette rencontre, Guéant, assis face à la barre, la qualifie de « complètement imprévue » et de « traquenard ». Il affirme ne pas avoir été mis en garde en amont : « Je pense que s’il y avait eu l’éventualité programmée d’une rencontre, mes services auraient pu m’en dissuader, mais il n’en a jamais été question ».

Selon le même, c’est donc en marge du programme officiel qu’un intermédiaire bien connu, et sur lequel on reviendra, lui aurait indiqué qu’il allait lui « faire rencontrer quelqu’un de très important ». Il serait alors monté dans une voiture sans se poser la moindre question, et sans se faire accompagner ni même avoir averti quiconque (officier de sécurité, interprète, ambassade…). « Et c’est pas mieux de dire où on va quand on est dans un pays étranger, au cas où il arriverait quelque-chose, histoire qu’on sache où vous chercher ? », s’étonne la présidente : « Que dire… », répond Guéant, embarrassé. Une fois sur place, « je fais la relation, […] et je suis mal à l’aise, [mais] j’estime que […] je n’ai pas le droit de faire un esclandre et que je dois aller jusqu’au bout. […] Je ne voulais pas saccager la visite [ultérieure de Sarkozy]. […] Si j’étais parti, ça aurait pu créer un incident diplomatique ».

« Quand il dit qu’il est tombé dans un traquenard, je le crois »

Il conteste avoir évoqué un financement de la campagne électorale de 2007 (« Nous avons juste abordé des soutiens réciproques entre nos deux pays »), mais a bien « le souvenir » d’un échange autour du statut pénal de Senoussi, même s’il concède ne pas avoir évoqué l’attentat qui l’avait occasionnée : « À aucun moment vous ne vous êtes dit, entre les mezzes et le riz au lait, que vous auriez pu évoquer le sort de nos compatriotes décédés ? », tâcle un magistrat du PNF. Toujours est-il que, de retour...

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