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Les avocats sont venus au tribunal de Paris pour exiger le démontage des cages en verre

Il est prévu que neuf salles d’audience pénale sur vingt-sept soient pourvues de box en verre, pour des raisons de sécurité, selon la Chancellerie. C’est encore trop pour les avocats, qui exigent le démontage de l’intégralité des box, qui contreviennent au principe de présomption d’innocence. Lundi, ils sont venus en nombre, pour empêcher que des prévenus soient jugés dans de telles conditions.

par Julien Mucchiellile 24 avril 2018

Les box vitrés sont des cages de verre dans lesquelles les prévenus comparaissent et qui énervent beaucoup les avocats. Ils sont de tailles diverses et ornent les salles d’audience pénale de nombreux palais de justice de France, au premier rang desquels le plus grand, le plus neuf et le plus cher, le nouveau tribunal de Paris, dont les premières audiences pénales se sont tenues lundi 23 avril.

Dans cet immense immeuble de verre et de lumière, les salles pénales sont réparties entre les 2e et 6e étage, et certaines d’entre elles sont pourvues de box intégralement vitrés – avec toutefois une interstice pour éviter que cela fasse tout à fait bocal. Les avocats, qui protestent avec véhémence depuis l’automne contre la systématisation de l’encagement des box de prévenus, se sont déplacés en grand nombre à Paris, se retrouvant hier dans le vaste hall dénommé Atrium, avant de converger vers les salles d’audiences, en procession dans les escalators. Marie-Aimée Peyron, bâtonnier de Paris : « La justice est rendue depuis des siècles sans cages de verre. Nous sommes dans une salle d’audience, pas dans un zoo. » (v. Dalloz actualité, 19 avr. 2018, art. T. Coustet isset(node/190298) ? node/190298 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>190298 ; ibid., 13 avr. 2018, art. M. Babonneau isset(node/190197) ? node/190197 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>190197)

Les secrétaires de la Conférence sont présents en nombre, aussi. Nima Haeri et Moad Nefati, 5e et 11e secrétaire, n’entendent pas céder jusqu’au démantèlement intégral des box : « On prétexte de la nature de l’infraction, comme le terrorisme, pour préjuger de la dangerosité des prévenus. Or cela doit être examiné au cas par cas. En audience JLD, par exemple, un homme toxicomane en manque de crack pourra représenter un danger physique bien plus élevé qu’un prévenu de terrorisme », démontre Me Nefati. Pourtant, il semble que la plupart des salles d’audience, comme à l’ancien tribunal, seront dédiées à une catégorie d’infractions, et que les dispositifs vitrés dans les box y seront montés pour de bon. Il sera impossible, par ailleurs, pour le tribunal de décider de juger un prévenu (non dangereux) à la barre, car ces box ne disposent pas d’accès depuis la salle d’audience (un défaut de conception vivement décrié par les avocats).

Me Christian Saint-Palais, président de l’association des avocats pénalistes (ADAP), a prévenu et répété : « Nous empêcherons que des procès se tiennent dans l’illégalité ». Car c’est là le paradoxe : des personnes mises en cause pour violation de la loi, sont jugées dans des conditions contraires à une norme supérieure à la loi. Ce n’est pas un effet de manche ou l’argument partial de ceux qui veulent démonter les cages, c’est Jacques Toubon, défenseur des droits, qui le dit. Car il existe une directive du 9 mars 2016 sur la présomption d’innocence, désormais invocable en droit français (son délai de transposition a expiré le 1er avril). Le paragraphe 20 dit : « Les autorités compétentes devraient s’abstenir de présenter les suspects ou les personnes poursuivies comme étant coupables, à l’audience ou en public, par le recours à des mesures de contrainte physique, telles que menottes, box vitrés, cages et entraves de métal ». La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme est claire sur l’inconventionnalité du dispositif dans certaines conditions (v. réc. CEDH 30 janv. 2018, Polikovich et autres c. Russie, v. Dalloz actualité, 6 déc. 2017, art. T. Coustet isset(node/187990) ? node/187990 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>187990).

Malgré cela, ces box existent dans le nouveau palais de lumière. Combien sont-ils ? Difficile à dire. Sur le papier, ils devaient être treize (sur 27 salles). Mais, magnanime, la chancellerie a décidé le 18 avril dernier d’en réduire le nombre à neuf. Il a été considéré que, si l’utilisation de box vitrés fermés permet d’assurer une sécurité adaptée lors de certains procès, comme les procès d’assises (qui demeurent sur l’Île de la Cité), les audiences liées au terrorisme et à la criminalité organisée, dans d’autres situations, le recours à un box sécurisé de s’imposait pas. Selon le communiqué du ministère, ce sont les chefs de juridictions qui ont choisi de porter le nombre de box à neuf. Interrogés, les avocats les mieux informés n’ont pas su exactement dire quelles salles étaient concernées. Les instances du tribunal ont apporté quelques précisions : la salle « terrorisme » sera équipée d’un box intégral. Les huit autres auront des dispositifs dits « allégés » (des ouvertures plus grandes). La salle « Victor Hugo », trois salles pour le crime organisé (au 1er, 4e et 6e étage), deux salles JLD, une salle pour le tribunal d’application des peines et une salle de délestage (JAP et JLD) au 6e étage.

En revanche, les salles des comparutions immédiates (23/1 et 23/2) ne seront pas pourvues de box, comme l’a annoncé Nicole Belloubet. Elles sont situées au 2e étage, et il est actuellement procédé à leur démontage. En attendant ce sont les salles 6.01, qui accueille la 23/1, et 6.02, qui accueille la 23/2, qui jugent les prévenus déférés dans le week-end. La salle 6.04, sans box fermé, voit comparaître un vieil homme pour une demande de mise en liberté (une affaire liée au banditisme, a priori). Tous les avocats ont envahi le 6e étage et pris place sur les bancs des salles d’audience. Ils surveillent. Ils brandissent de petites affiches distribuées par les confrères, qui ironisent sur la froideur et le manque d’humanité émanant de ces nouveaux murs. « C’est important symboliquement que nous soyons là, pour surveiller, être certain que les prévenus soient jugés hors des box, jusqu’à ce qu’ils soient tous démontés », explique Christian Saint-Palais. Était-ce par déférence soudaine envers le droit européen ou crainte d’esclandres avec les avocats remontés ? Ce lundi, aucun prévenu n’a été jugé dans une cage en verre.