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Les conseillers techniques sportifs en péril

Les sénateurs s’inquiètent de la menace du transfert d’office des conseillers techniques sportifs vers les fédérations.

par Jean-Marc Pastorle 20 juin 2019

C’est une disposition du projet de loi pour la transformation de la fonction publique qui a mis le feu aux poudres. Plus exactement, l’ajout à l’article 28, d’une disposition permettant un détachement d’office des fonctionnaires « lorsqu’ils exercent leurs missions auprès d’une personne morale de droit privé », ce qui est précisément le cas des conseillers techniques sportifs (CTS). Rémunérés par l’État, ils exercent les fonctions de directeur technique national, entraîneur national, conseiller technique national ou conseiller technique régional. Ils font à la fois de la détection des futurs champions et agissent également auprès de sportifs de haut niveau pour préparer les prochaines échéances olympiques et paralympiques de Tokyo 2020, Pékin 2022 et Paris 2024.

Récemment, le gouvernement a évoqué la suppression puis le transfert aux fédérations et aux collectivités locales des 1 600 CTS. Même si la ministre des Sports a eu beau indiquer que ces cadres conserveraient leur statut de fonctionnaire, les craintes de transfert d’office ont été ravivés avec l’article 28, ajouté sur proposition du gouvernement. Cette disposition concernerait également, selon la direction générale de l’administration et de la fonction publique, les « nombreuses structures constituées sous forme d’associations ou de fondations qui sont des personnes morales de droit privé qui peuvent avoir recours à des agents publics, par exemple les associations qui gèrent des dispositifs d’action sociale pour des collectivités territoriales ou des actions de secourisme, d’aide humanitaire ou de santé pour les établissement de santé ».

Pas de concours de professeur de sport en 2019

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat s’est donc emparée du sujet et, lors d’une conférence de presse le 19 juin, a précisé qu’un amendement serait déposé prévoyant d’exclure les CTS du transfert obligatoire prévu par l’alinéa 11 de l’article 28 du projet de loi pour la transformation de la fonction publique.

Pourquoi les seuls CTS et non un amendement de suppression de l’article 28 ? Le sénateur de l’Isère Michel Savin précise que les échanges menés avec des représentants des CTS et des fédérations sportives déléguées ont conforté les craintes les plus vives concernant l’avenir du sport français. Et même si le dispositif ne vise pas uniquement les CTS, ce sont ces derniers qui semblent les premiers concernés.

Les représentants des fédérations auditionnés considèrent que l’extinction du cadre est déjà engagée puisque le concours de recrutement de professeurs de sport a été suspendu tout comme les mobilités dans le cadre. Ils s’inquiètent par ailleurs des conditions financières d’un éventuel transfert : le coût de la prise en charge par l’État des salaires des 1 600 CTS passerait ainsi de 120 M€ à 152 M€. Selon la commission, aujourd’hui le gouvernement ne donne aucune garantie sur le maintien de la compensation financière intégrale dans le temps.

Petite ou grande, chaque fédération sportive est concernée

Selon les représentants des fédérations sportives, l’empressement de l’État à se séparer des CTS relève davantage d’un choix politique que d’une décision rationnelle. Les dégâts seraient particulièrement importants dans les petites fédérations qui auront beaucoup de difficultés pour conserver des cadres techniques faute de moyens financiers. Elles devront notamment faire face à une très forte hausse de leur personnel, le nombre des salariés permanents étant souvent très inférieur à celui des CTS détachés.

Les « grandes » fédérations subiront aussi ce choix : outre les coûts supplémentaires en termes de gestion des ressources humaines, il n’est pas exclu que les CTS les plus « côtés » soient recrutés à l’étranger. Et l’ensemble de ces répercussions financières pourrait déboucher sur une augmentation du prix de la licence sportive.

Le Sénat qui examine en séance publique le projet de loi de transformation de la fonction publique depuis le 18 juin va donc se prononcer sur cet amendement qui prévoit de surseoir à la possibilité de transférer les CTS de manière obligatoire aux fédérations sportives.