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Le contentieux des étrangers toujours en hausse

Dernier rapport d’activité du Conseil d’État présenté par Jean-Marc Sauvé, le cru 2018 confirme la tendance à la maîtrise des délais. Et le poids sans cesse croissant du contentieux des étrangers.

par Marie-Christine de Monteclerle 18 mai 2018

« Pour la première fois depuis 2013, tous les « échelons » de la juridiction administrative ont jugé plus d’affaires qu’ils n’en ont reçues », se félicite le vice-président du Conseil d’État dans l’éditorial du rapport d’activité 2018 de la haute juridiction, rendu public le 17 mai. Dans le détail – et déduction faite des séries – les tribunaux administratifs ont enregistré, en 2017, 197 243 affaires et en ont jugé 201 460. Les cours administratives d’appel ont un nombre d’entrées et de sorties rigoureusement identique : 31 283. Quant au Conseil d’État, il a vu arriver 9 864 affaires et en a réglé 10 139. Pour les tribunaux administratifs et le Palais-Royal, cela représente une hausse d’environ 2 % par rapport à 2016, tandis que les saisines des cours sont quasiment stables (- 0,1 %).

De ce fait, le délai prévisible moyen de jugement (nombre de dossiers en stock en fin d’année divisé par la capacité annuelle de jugement) diminue également à tous les niveaux. Il est passé sous les dix mois dans les tribunaux administratifs, sous les onze mois dans les cours administratives d’appel et sous les six mois au Conseil d’État. Les choses sont toutefois un peu moins roses lorsque l’on regarde le délai constaté de jugement des affaires ordinaires (c’est-à-dire hors ordonnances, référés et contentieux soumis à des délais spécifiques). Là, sauf au Conseil d’État, qui est passé de 1 an, 12 jours à 1 an, 1 jour, c’est une légère remontée des délais qui est constatée : 1 an, 9 mois et 21 jours pour les tribunaux administratifs ; 1 an, 2 mois, 13 jours pour les cours administratives d’appel.

Un bond des recours devant la CNDA

Toutefois, ces moyennes dissimulent des situations très différentes selon les juridictions du fond. Ainsi, dix-huit tribunaux administratifs ont vu une progression de leurs entrées, parfois très forte (+ 42 % en Guyane, + 36 % à Bastia et + 30 % à Toulon), tandis que quatorze voient leurs saisines baisser. Les contrastes sont moins forts pour les cours. Quatre voient leurs entrées progresser, de 1 % à Paris et Marseille, 2 % à Versailles et 9 % à Nancy. Les quatre autres enregistrent des baisses : - 2 % pour Douai et Lyon, - 3 % à Bordeaux et - 4% à Nantes.

Le contentieux des étrangers domine toujours l’activité des juridictions avec 33,5 % des saisines des tribunaux administratifs, 48,1 %, en hausse de 8 %, pour les cours administratives d’appel et 21,8 % pour le Conseil d’État. Viennent ensuite le contentieux fiscal et les agents publics.

Le contentieux des étrangers c’est bien sûr aussi celui de l’asile. La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a vu à nouveau bondir le nombre des recours dont elle est saisie. Ceux-ci sont passés de 39 986 en 2016 à 53 581 en 2017, soit une hausse de 34 %. Il faut dire que le taux de recours contre les décisions négatives de l’OFPRA a dépassé les 85 %. Alors, même si la Cour a à nouveau augmenté son activité (47 814 décisions rendues, en hausse de 11 %), le délai prévisible de jugement en pâtit. Néanmoins, le délai moyen constaté descend à cinq mois et six jours fin 2017. En 2017, la Cour a accordé le statut de réfugié ou la protection subsidiaire à 16,8 % de ceux qui l’ont saisie.

Le chapitre du rapport consacré à la CNDA précise également les pays d’origine des demandeurs du statut de réfugié qui la saisissent. Avec 7 478 recours, en progression de plus de 242 %, ce sont les Albanais qui représentent le plus fort contingent des requérants, loin, très loin, devant les 1 412 Afghans et les 1 212 Syriens. Toutefois, plus de 64 % des Afghans et 52 % des Syriens ont gain de cause contre un peu plus de 11 % des demandeurs albanais.

Une autre procédure connaît un rebond confirmé ; il s’agit de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Le Conseil d’État en a enregistré 258, contre 210 en 2016, retrouvant ainsi le niveau de la première année d’application du dispositif (256 entre le 1er mars et le 31 déc. 2010). Toutefois, le nombre de QPC renvoyées au Conseil constitutionnel ne connaît qu’une une hausse légère (52 contre 49 en 2016), le Conseil ayant légèrement resserré son filtre avec un taux de transmission de 22 % (contre 26 % en 2015 et 2016).

Une activité consultative soutenue

L’activité consultative du Palais-Royal est demeurée très soutenue. Les sections administratives ont ainsi examiné 106 projets de loi (111 en 2016), 69 projets d’ordonnance (contre 87 l’année précédente) et surtout 1 101 projets de décret (911 en 2016). À noter que six textes ont été, en raison de l’urgence, examinés par la seule commission permanente. Dix-huit avis ont été rendus à la demande du gouvernement ou d’une collectivité d’outre-mer.

Le rapport relève une amélioration de la qualité de certaines études d’impact, comme celle sur le projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants. Mais pour d’autres, il pointe des insuffisances dans l’exposé des objectifs de la réforme, dans la justification du recours à une nouvelle législation ou dans l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales.

 

Les chiffres clefs de la section du contentieux

9864 affaires ont été enregistrées par la section du contentieux du Conseil d’État en 2017.

Les deux tiers environ (6383) sont des pourvois en cassation, à raison de 3003 contre des arrêts de CAA, 2025 contre des jugements de TA et 1355 contre des décisions de juridictions spécialisées.

1337 saisines concernaient des demandes en premier ressort et 248 des appels contre des jugements de TA. 19 demandes d’avis ont été formulées en application de l’article L. 113-1 du code de justice administratives.

Moins de la moitié des 10 139 affaires réglées l’ont été par une formation collégiale : 3 décisions d’assemblée, 12 de section, 1250 de chambres réunies, 3511 de chambres jugeant seules et formation spécialisée, soit un total de 4776.