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La délivrance d’un visa d’entrée en France n’est pas de droit

La délivrance d’un visa n’est pas de droit. L’accueil en France des personnels civils localement recrutés pour aider l’armée française en Afghanistan dépend d’orientations générales qui ne peuvent être invoquées par les intéressés à l’appui d’un recours contentieux.

par Emmanuelle Maupinle 19 octobre 2017

« Si le droit constitutionnel d’asile a pour corollaire le droit de solliciter en France la qualité de réfugié, les garanties attachées à ce droit reconnu aux étrangers se trouvant sur le territoire de la République n’emportent aucun droit à la délivrance d’un visa en vue de déposer une demande d’asile en France ou pour y demander le bénéfice de la protection subsidiaire prévue à l’article L. 712-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ». Par une décision rendue le 16 octobre 2017, le Conseil d’État confirme une solution dégagée en 2015 par le juge des référés (CE 9 juill. 2015, n° 391392, Ministre de l’Intérieur, Lebon ; AJDA 2015. 1394 ; D. 2016. 336, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ).

La haute juridiction était saisie par M. D. et M. A., ressortissants afghans, qui ont été interprètes auprès des forces armées françaises déployées en Afghanistan. À la suite du retrait des troupes, ils ont déposé chacun une demande de visa auprès de l’ambassade de France en Afghanistan, lesquelles ont été implicitement rejetés. Ils ont formé de nouvelles demandes qui ont été rejetées. Par deux ordonnances du 22 novembre 2016, le juge du référé-suspension du tribunal administratif de Nantes a refusé de faire droit à leurs demandes de suspension de l’exécution du refus de visa.

Le Conseil d’État rappelle que ni le droit d’asile, ni l’invocation des stipulations des articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l’homme à raison de menaces susceptibles d’être encourues à l’étranger n’impliquent de droit à la délivrance d’un visa d’entrée en France. Dès lors, « dans les cas où l’administration peut légalement disposer d’un large pouvoir d’appréciation pour prendre une mesure au bénéfice de laquelle l’intéressé ne peut faire valoir aucun droit, il est loisible à l’autorité compétente de définir des orientations générales pour l’octroi de ce type de mesures sans que l’intéressé puisse se prévaloir de telles orientations à l’appui d’un recours formé devant le juge administratif » (v. CE 4 févr. 2015, n° 383267, Ministre de l’Intérieur, Lebon avec les concl. ; AJDA 2015. 191 ; ibid. 443 , chron. J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe ; D. 2016. 336, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; RFDA 2015. 471, concl. B. Bourgeois-Machureau ). En l’espèce, les orientations générales arrêtées par les autorités françaises en vue de l’accueil en France de certains personnels civils recrutés localement pour servir auprès des forces françaises en Afghanistan ne peuvent pas être invoquées à l’appui d’un recours devant le juge administratif.

La délivrance du visa dépendait donc de la situation particulière des requérants.

M. D. indique avoir participé à des patrouilles et opérations à l’extérieur du camp. Depuis la fin de son contrat, il affirme avoir fait l’objet de menaces de la part des talibans. Le Conseil d’État considère qu’en jugeant que ces allégations n’étaient pas suffisantes pour créer un doute sérieux sur la légalité de la décision, le juge s’est livré à une appréciation souveraine des faits.

La Haute juridiction accepte, en revanche, de suspendre l’exécution du refus de visa déposée par M. A. : « dans les circonstances de l’espèce, alors que la situation en Afghanistan s’est dégradée avec une recrudescence des violences qui exposent à des risques élevés les ressortissants afghans qui ont accordé leur concours à des forces armées étrangères, le juge des référés du tribunal administratif a dénaturé les faits de l’espèce en estimant que le moyen d’erreur manifeste n’était pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ».