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Les déplacés environnementaux font leur entrée dans la problématique migratoire

À l’occasion de l’adoption, en première lecture, de la loi Immigration et droit d’asile, les députés se sont aventurés sur un terrain qui va certainement constituer, dans un proche avenir, l’un des défis majeurs de la gouvernance mondiale des migrations. Dans un amendement, le législateur pourrait avoir marqué le début d’un long processus de reconnaissance d’un statut de « déplacés environnementaux » ou « déplacés climatiques ». 

par Christophe Poulyle 3 mai 2018

On estime à près de 205 millions le nombre de personnes qui aura été déplacé dans les trente prochaines années en raison du changement climatique (alors qu’actuellement, toutes causes confondues, ce sont près de 230 millions de migrants qui se déplacent dans le monde).

C’est à la lumière de ce nouvel enjeu, dont les députés ont décidé de se saisir, que l’article 42 du projet de loi adopté par l’Assemblée nationale s’articule autour de trois axes : les objectifs que doivent se fixer l’État, le but des actions à mener et les orientations qu’il convient d’ores et déjà de définir.

Un délai de douze mois 

L’État doit d’abord se fixer comme objectifs l’élaboration « des orientations pour la prise en compte des migrations climatiques et de renforcer sa contribution aux travaux internationaux et européens sur ce thème ». Un rapport présentant ces orientations et un plan d’action devra être présenté au Parlement dans l’année suivant la promulgation de la loi.

Le gouvernement présente au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, ces orientations et un plan d’actions associé. Cette date butoir n’a pas été fixée par hasard car, en juillet 2019, la France prendra la présidence de la plateforme des Nations unies sur les déplacements liés aux catastrophes.

Il s’agirait, pour le gouvernement, d’entreprendre des actions visant d’abord à renforcer « les connaissances relatives aux déplacements liés au changement climatique », tel que cela a été prescrit par « l’agenda pour la protection des déplacés environnementaux » adopté au cours des travaux de la COP21 et à agir en conséquence.

Il échoit ensuite au gouvernement de générer une dynamique de recherche pluridisciplinaire afin, d’une part, de contribuer à la mise en place de « mesures préventives », d’autre part, d’aborder une réflexion sur le long terme, c’est-à-dire à un horizon d’une trentaine d’années, sur la question notamment de « l’habitabilité des différentes zones géographiques du monde » et, enfin, d’appréhender le phénomène de manière systémique en inscrivant les actions dans le cadre global de l’aide au développement en y intégrant une « anticipation des migrations climatiques ».

Une déclaration d’intention ?

Dès 1992, les premières discussions sur le lien entre l’environnement et la migration ont été menées par des défenseurs de l’environnement prônant l’amélioration des politiques. En 2007, le lien entre les migrations et l’environnement a été examiné par les États membres de l’Organisation internationale pour les migrations.

Cet amendement a pour but de permettre à la France de se positionner sur cette thématique et de contribuer à améliorer la mobilisation internationale sur ce point.

Et même s’il y paraît que ce serait, à ce stade, une simple déclaration d’intention dépourvue de toute portée concrète sur les flux migratoires, elle fût prise suffisamment au sérieux par le ministre de l’Intérieur qui en a accepté le principe sous réserve que l’idée de « visa humanitaire » soit évincée du projet. L’un des deux amendements en discussion prévoyait en effet de procéder à une évaluation de la mise en place de ce type de visa pour les habitants des petites îles submergées par « l’augmentation du niveau des mers ». Ce n’est donc, sur ce point, que partie remise car la question se reposera nécessairement tôt ou tard.