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La Cour de cassation a statué, le 12 septembre 2018, dans une affaire fleuve concernant des skechtes et chansons dont Coluche était l’auteur et/ou interprète.
par Jeanne Daleaule 26 septembre 2018
Le contentieux entre les héritiers de Michel Colucci, dit Coluche, décédé le 19 juin 1986 et la société qui a produit et édité ses œuvres et interprétations est ancien, le premier jugement rendu entre les parties datant de 1993. Cet arrêt de la Cour de cassation marque un tournant important dans cette œuvre jurisprudentielle.
Obligation d’exploiter
Dans l’espèce soumise ici à la Cour de cassation, la première question était de savoir si la société de production avec laquelle l’auteur-interprète avait conclu plusieurs contrats d’enregistrement et de cession et d’édition avait bien respecté son obligation d’exploitation. En effet, les demandeurs considéraient que la société avait failli à ses devoirs, manquant à l’article L. 132-12 du code de la propriété intellectuelle, selon lequel : « l’éditeur est tenu d’assurer à l’œuvre une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale, conformément aux usages de la profession ». En première instance, les enfants de l’artiste ont obtenu gain de cause, décision confirmée partiellement en appel (sur le nombre d’œuvres retenues pour le calcul des redevances). Insatisfaits, les consorts Colucci se sont pourvus en cassation, pourvoi rejeté par la première chambre civile le 12 septembre 2018. La cour d’appel (Paris, 14 févr. 2017, n° 14/18838, Dalloz jurisprudence) avait constaté que les enregistrements litigieux avaient bien été exploités pendant la période considérée même si elle note que l’exploitation a été moindre pendant une certaine période en raison de relations conflictuelles entre les parties ou d’une conjoncture économique moins propice aux ventes. Elle avait ajouté que les enregistrements avaient également fait l’objet d’une exploitation accessoire sous forme graphique (sur l’exploitation graphique accessoire, v. Civ. 1re, 13 juin 2006, n° 04-15.456, D. 2007. 277, obs. J. Daleau , note J. Ghestin ; ibid. 2006. 2638, obs. S. Amrani-Mekki et B. Fauvarque-Cosson ; ibid. 2991, obs. P. Sirinelli ; RTD com. 2006. 593, obs. F. Pollaud-Dulian ; CCE 2007, n° 20, note Caron ; ibid. Chron. n° 4, § 5, obs. Daverat ; Légipresse 2006. II. 238, note Roux ; RIDA oct. 2006, p. 339, obs. Sirinelli).
Selon la Cour de cassation, les conditions de l’article L. 132-12 précité étaient donc bien réunies. Cette obligation de résultat a pour attributs la diffusion de l’œuvre et sa promotion, et ce dans un délai raisonnable.
Autorisation d’exploiter
C’est sur la seconde question que la Cour de cassation a considéré que les juges du fond avaient pris la mauvaise direction.
Au visa de l’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle, l’arrêt de la cour d’appel de Paris a été cassé. Ce texte dispose, en son premier alinéa, que sont soumises à autorisation écrite de l’artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public ainsi que toute utilisation séparée du son et de l’image. La Cour pose que la fixation est constituée par la première incorporation de la prestation de l’artiste dans un support.
Ici, les consorts Colucci contestaient l’exclusion de neuf sketches de Coluche au motif qu’on ne pouvait retenir qu’ils avaient fait l’objet d’une fixation permettant la communication au public. Les juges du fond estimaient que la simple captation du son ne constituait pas une fixation, ce son devant être retravaillé. Non, sanctionne la Cour de cassation. On peut en déduire que la fixation du matériau brut dans un support quel qu’il soit d’accueil est bien une fixation (sur l’indifférence de la tangibilité du support, v. Civ. 1re, 11 sept. 2013, n° 12-17.794, Dalloz actualité, 19 sept. 2013, obs. E. Émile-Zola-Place , note Guillem Querzola ; CCE 2013, n° 100, note Caron ; JCP 2013. 1071, note Binctin ; Légipresse 2013. 604, note Tafforeau). L’affaire sera, par conséquent, à nouveau devant la cour d’appel, de Versailles cette fois-ci.
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