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Litispendance constituée par une demande reconventionnelle ? C’est possible !

Il résulte de l’article 100 du code de procédure civile que si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l’autre si l’une des parties le demande. À défaut, elle peut le faire d’office. Dès lors la juridiction saisie en premier du litige ne peut se dessaisir au profit de celle saisie en second, même si elle est saisie en second de la demande reconventionnelle qui constitue la litispendance.

Un arrêt du 5 octobre 2023 destiné à publication doit retenir l’attention car il statue en matière de litispendance, qui n’est pas le contentieux qui occupe le plus la Haute juridiction. Il concerne deux juridictions du même degré, la litispendance n’ayant pas été soulevée d’office par le juge. Il est doublement intéressant : au regard de la notion même de litispendance et au regard du régime, deux aspects que la Cour de cassation apprécie plus souplement qu’elle a pu le faire auparavant.

Une banque consent un prêt à un client : ce contrat est à l’origine de plusieurs actions.

Le 31 mai 2010, la banque assigne l’emprunteur en paiement devant le Tribunal de grande instance de Pontoise.

Le 23 juillet 2010, le client assigne à son tour plusieurs défendeurs, parmi lesquels la banque, afin de voir engager leur responsabilité civile à la suite du dépôt d’une plainte pénale, devant le Tribunal de grande instance de Marseille.

Le 9 août 2019, le client forme une demande reconventionnelle destinée à mettre en cause la responsabilité de la banque du fait de manquements dans son obligation d’information et de mise en garde et visant au paiement d’une somme résultant de la perte de chance devant le TGI de Pontoise.

Le 22 octobre 2020, le juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Pontoise, saisi par la banque à cette fin, rend une ordonnance : il constate la litispendance entre la demande reconventionnelle de l’emprunteur et son action en responsabilité pendante et ordonne le dessaisissement du Tribunal de grande instance de Pontoise au profit du Tribunal judiciaire de Marseille.

L’emprunteur interjette appel de l’ordonnance.

Le 17 juin 2021, la Cour d’appel de Versailles confirme l’ordonnance : elle retient que la juridiction saisie en premier, au sens de l’article 100 du code de procédure civile, est « celle saisie en premier de cette demande de [l’emprunteur], en l’occurrence le Tribunal de grande instance de Marseille auprès duquel il avait assigné la banque en réparation de son préjudice, et non celle saisie auparavant par la banque, procédure à l’occasion de laquelle [l’emprunteur] avait à nouveau formulé sa demande de réparation à titre reconventionnel, c’est-à-dire le Tribunal de grande instance de Pontoise ». La cour ajoute que « ce n’est qu’à la faveur de ces derniers développements que la banque a pu se convaincre qu’était constituée une situation de litispendance suffisamment précise pour la soumettre au juge de la mise en état ».

Le client se pourvoit en cassation pour violation de l’article 100 du code de procédure civile, car – selon le second moyen qui seul donne lieu à une décision spécialement motivée –, « c’est l’acte introductif d’instance et non la formation de la demande qui date chronologiquement l’antériorité de la saisine ».

La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel pour violation de l’article 100 (exposé au chapô) : la cour « avait relevé que le tribunal de grande instance de Pontoise avait été saisi en premier lieu, ce dont il résultait qu’il ne pouvait se dessaisir au profit de la juridiction de Marseille, saisie en second lieu ».

Admission de la litispendance

La litispendance se présente rarement dans les faits, car, d’une part, elle suppose que deux juridictions soient saisies d’un même litige et, d’autre part, la Cour de cassation a généralement une conception étroite de l’identité de litige : elle exige ainsi une identité totale...

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