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Naufrage du Joola : l’immunité de juridiction n’est pas contraire au droit à un tribunal

L’immunité de juridiction conduisant à un non-lieu et empêchant les victimes du naufrage d’obtenir réparation du préjudice de la part des responsables constitue une limitation justifiée du droit d’accès à un tribunal, car elle poursuit le but légitime d’assurer le respect du droit international. 

Près de vingt ans après le naufrage du Joola, la Cour européenne des droits de l’homme affirme que l’immunité de juridiction, qui a empêché le renvoi des responsables du naufrage et la réparation par ces derniers du préjudice causé, n’est pas contraire à la Convention européenne des droits de l’homme. Le Joola était un navire appartenant à l’État sénégalais qui avait fait naufrage en 2002 dans les eaux internationales. Les familles des victimes françaises avaient déposé une plainte en France, ce qui avait donné lieu à l’ouverture d’une information judiciaire qui s’était poursuivie plusieurs années. Le juge d’instruction, après avoir constaté qu’il existait des charges suffisantes, avait rendu une ordonnance de non-lieu en raison de l’immunité de juridiction : le navire faisait l’objet, tout à la fois, d’une exploitation militaire et commerciale et les personnes en cause étaient tous des agents de l’État sénégalais qui avaient agi dans le cadre de leurs fonctions relevant de la souveraineté du Sénégal. La chambre de l’instruction avait confirmé l’ordonnance et la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi, considérant que les personnes mises en cause agissaient dans l’exercice de l’autorité étatique et que les infractions visées ne relevaient pas des exceptions au principe de l’immunité des représentants de l’État dans l’expression de sa souveraineté (Crim. 16 oct. 2018, n° 16-84.436, Dalloz actualité, 14 nov. 2018, obs. M. Recotillet ; D. 2018. 2091 ; ibid. 2019. 2320, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et E. Tricoire ; RSC 2019. 97, obs. Y. Mayaud ).

La Cour de Strasbourg a considéré la requête mal fondée et l’a ainsi déclarée irrecevable. Elle était saisie d’une éventuelle atteinte au droit d’accès à un tribunal, sur le fondement de l’article 6 combiné avec l’article 13. La Cour a recherché une éventuelle atteinte au droit à un tribunal résultant de l’article 6. Même si ce dernier ne prévoit pas expressément le droit d’accès à un tribunal, la Cour a, depuis 1975, affirmé que le droit à un procès équitable supposait le droit d’accès à un tribunal (CEDH 21 févr. 1975, Golder c/ Royaume-Uni, n° 37112/97). Plus précisément, la Cour européenne des droits de l’homme s’est fondé, non sur le volet pénal, mais sur le volet civil de l’article 6. L’association requérante reproche en effet aux autorités françaises l’impossibilité d’exercer l’action civile à l’encontre des responsables du naufrage. Or, la Cour a eu l’occasion de préciser, à plusieurs reprises, que la Convention ne garantit pas le droit de faire poursuivre ou condamner pénalement des tiers (CEDH 12...

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