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L’écrou extraditionnel : entre exigence d’unité formelle et spécificité du régime

Si l’écrou extraditionnel obéit à une procédure particulière, elle demeure soumise au formalisme exigé devant la chambre de l’instruction. Dès lors, l’absence de dépôt des réquisitions du procureur général au plus tard la veille de l’audience « porte nécessairement atteinte aux droits de la défense, peu important que des réquisitions aient été déposées le jour de l’audience ». L’individu recherché a donc été mis en liberté et placé sous contrôle judiciaire. 

Les garanties procédurales, à l’image des droits de la défense, occupent une place croissante dans le contentieux de la coopération pénale. À ce titre, la chambre criminelle rappelle, avec vigueur, que le respect du formalisme exigé devant la chambre de l’instruction s’impose y compris en matière d’écrou extraditionnel, même si, parallèlement, cette procédure fait l’objet de réelles spécificités comme l’illustre l’arrêt rendu le 19 mars 2025.

Le gouvernement de la République de Turquie – État requérant – a formé, le 15 février 2024, une demande d’extradition à l’encontre d’un individu situé en France – État requis – aux fins d’exécution d’une peine de huit ans et neuf mois d’emprisonnement (§ 2). La personne réclamée a été interpellée quelques mois plus tard, le 5 septembre 2024, et a été placée sous écrou extraditionnel le lendemain. La personne recherchée n’a, toutefois, pas consenti à sa remise et a formé une demande de mise en liberté (§ 3).

L’arrêt de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris (5e section), du 26 décembre 2024, a fait droit à sa demande et a ordonné sa mise en liberté et son placement sous contrôle judiciaire. Selon les juges du fond, à la lumière des articles 194 et 197 du code de procédure pénale, le procureur général – en tant que partie au procès pénal – devait déposer ses réquisitions au plus tard la veille de l’audience de la chambre de l’instruction (§ 8). Or, en les ayant transmises le jour même, la procédure était irrégulière (§ 9). Pour en arriver à cette conclusion, ils se fondent sur l’article 803-7 du code de procédure pénale relatif à la mise en liberté et au placement sous contrôle judiciaire à la suite d’une irrégularité de la détention provisoire. En l’espèce, la chambre de l’instruction rappelle qu’en étant dans l’impossibilité de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure, les délais de convocation, dans le cadre de l’extradition, n’étant plus suffisants, la mise en liberté et le placement sous contrôle judiciaire devaient être ordonnés en présence de cette irrégularité (§ 10). Le procureur général près la Cour d’appel de Paris a donc formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Au soutien de son recours, il invoquait trois arguments pour s’opposer à la mise en liberté et au prononcé d’une mesure de sûreté. D’abord, il mettait en exergue la singularité du régime de l’écrou extraditionnel à au moins deux égards : d’une part, à l’aune de la place du procureur général qui n’était pas partie à la procédure, mais constituait une autorité d’exécution d’une demande étrangère à la lecture de l’article 696-13 du code de procédure pénale (§ 4, 1°) ; d’autre part, en considération de la spécificité de l’écrou extraditionnel soumis à l’article 696-19 du code de procédure pénale et non à l’article 803-7 dudit code, lequel concerne les délais en matière d’une autre mesure privative de liberté (§ 4, 2°). Ensuite, en se fondant toujours sur l’article 696-19 du code de procédure pénale, il rappelle que le principe de l’écrou extraditionnel demeure la privation de liberté à moins que la personne recherchée ne démontre qu’elle bénéficie de garanties de représentation suffisantes, ce qui n’était pas le cas en l’espèce (§ 5). Enfin, de manière quelque peu contradictoire, tout en soulignant l’absence d’irrégularité de la procédure, il souligne que la nature...

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