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Peut-on saisir des biens appartenant à une personne hors d’état de se défendre ?

La chambre criminelle s’est prononcée sur la saisie spéciale d’un bien appartenant à une personne mise en examen présentant une altération irréversible de ses facultés mentales, altération l’empêchant définitivement d’être renvoyée devant une juridiction de jugement.

par Cloé Fonteix, Avocat au Barreau de Nicele 14 septembre 2022

La solution dégagée par la Cour de cassation est la suivante. Si une chambre de l’instruction est saisie d’un appel formé à l’encontre d’une ordonnance de saisie spéciale d’un bien appartenant à une personne mise en examen présentant une altération des facultés telle que celle-ci se trouve, de manière irréversible, dans l’impossibilité de se défendre personnellement contre l’accusation dont elle fait l’objet, même en présence de son tuteur ou de son curateur et avec l’assistance d’un avocat, en sorte qu’il devra être définitivement sursis à son renvoi devant la juridiction de jugement, elle doit s’assurer, même d’office, que les conditions légales de la saisie demeurent réunies. Parmi ces conditions, doit être vérifié le caractère confiscable du bien, en application de l’article 131-21 du code pénal au regard de la peine de confiscation susceptible d’être encourue par une autre personne mise en cause en répression des faits qui lui sont reprochés, après avoir convoqué cette personne si le bien lui appartient ou est à sa libre disposition, l’intéressé pouvant prétendre à la mise à disposition des pièces de la procédure se rapportant à la saisie. À défaut, la chambre de l’instruction est tenue d’ordonner la mainlevée de la saisie.

Exigence de participation réelle de la personne poursuivie à son procès

Assez récemment, la jurisprudence a dégagé des principes concernant l’hypothèse, non régie par la loi, où une personne poursuivie - dont le discernement au moment des faits qui lui sont reprochés n’est pas (nécessairement) remis en cause - présente en cours de procédure des facultés diminuées qui affectent sa capacité à se défendre.

La chambre criminelle a ainsi jugé, sur le fondement des articles 6, § 1, et 3, a) et c) de la Convention européenne des droits de l’homme, et préliminaire du code de procédure pénale, que, lorsque l’altération des facultés d’une personne mise en examen est telle que celle-ci se trouve dans l’impossibilité de se défendre personnellement contre l’accusation dont elle fait l’objet, fût-ce en présence de son tuteur ou de son curateur et avec l’assistance d’un avocat, il doit être sursis à son renvoi devant la juridiction de jugement jusqu’après constatation que l’intéressé a recouvré la capacité à se défendre (Crim. 19 sept. 2018, n° 18-83.868, Dalloz actualité, 9 oct. 2018, obs. M. Recotillet ; D. 2018. 1865 ; ibid. 2259, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, S. Mirabail et E. Tricoire ; AJ fam. 2018. 553, obs. V. Montourcy ; AJ pénal 2018. 517 ; Gaz. Pal. 13 nov. 2018, p. 16, note Dejean de la Bâtie). Lorsque cette situation survient alors que la juridiction de jugement est déjà saisie, le renvoi du prévenu à une audience de jugement ultérieure s’impose, ce dernier ne pouvant être jugé qu’à partir du moment – s’il advient – où il recouvrera sa capacité à se défendre (Crim. 5 sept. 2008, n°s 17-83.683 et 17-84.402, RSC 2018. 935, obs. F. Cordier ).

Cette solution – et en tout cas l’existence d’une forme d’aménagement des...

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