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Premier décret PACTE : relèvement des seuils de désignation des commissaires aux comptes

Un décret du 24 mai 2019, le tout premier pris en application de la loi PACTE du 22 mai 2019, fixe – à la hausse – les nouveaux seuils de désignation des commissaires aux comptes dans les sociétés commerciales. Sans surprise, il reprend les seuils figurant dans la directive comptable 2013/34/UE du 26 juin 2013. La mesure entre en vigueur immédiatement.

par Xavier Delpechle 29 mai 2019

L’une des mesures emblématiques contenues dans la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises ; L. n° 2019-486, art. 20), a consisté à relever les seuils à partir desquels une entreprise est soumise à l’obligation de désigner un commissaire aux comptes, suivant en cela les préconisations d’un récent rapport de l’Inspection des finances (La certification légale des comptes des petites entreprises françaises, mars 2018). Comme l’avait relevé ce rapport, la France a traditionnellement fait le choix de fixer des seuils peu élevés d’audit légal, en privilégiant ainsi la sécurisation de la fiabilité des comptes, alors même que la certification légale des comptes, principale mission confiée aux commissaires aux comptes, présente une charge financière importante pour les entreprises, et notamment les plus petites d’entre elles. Entre ces deux objectifs, la loi PACTE a pris le parti de privilégier l’objectif de simplification et d’allégement des charges pour favoriser le développement des petites entreprises au détriment de la fiabilité de l’information financière fournie par ces dernières. Les travaux préparatoires de la loi PACTE ont annoncé que les nouveaux seuils allaient être alignés sur les seuils prévus par la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, les seuils jusque-là en vigueur étant nettement inférieurs aux niveaux fixés par le législateur européen. La loi PACTE a également harmonisé les seuils de certification, quelle que soit la nature des sociétés concernées. Jusque-là, en effet, toutes les sociétés anonymes (SA) sont soumises à l’audit légal, alors que les sociétés par action simplifiée (SAS) obéissent à des seuils qui leur sont spécifiques. Cette même loi a, en outre, créé un audit de groupe (C. com., art. L. 823-2-2) : est ainsi maintenue une obligation d’audit légal des comptes dans la holding de tête mais aussi dans toutes les filiales détenues directement ou indirectement, afin que ces dernières ne puissent échapper à l’exigence de certification légale des comptes. Les seuils sont donc appréciés non pas au niveau de la holding, mais en priorité de l’ensemble du groupe. Cette mesure était sans doute d’autant plus indispensable que le rehaussement des seuils au niveau individuel aura pour effet de faire sortir de nombreuses sociétés du champ de l’audit légal.

Les seuils de désignation obligatoire des commissaires aux comptes n’étant traditionnellement pas inscrits dans la loi mais étant fixés par décret auquel celle-ci renvoie, la publication d’un décret d’application était nécessaire pour que cette importante réforme de l’audit légal entre en vigueur. C’est chose faite avec la publication, deux jours à peine après la loi PACTE, du décret du 24 mai 2019 fixant les seuils de désignation des commissaires aux comptes et les délais pour élaborer les normes d’exercice professionnel. Sans surprise, ce sont les seuils prévus par la directive 2013/34/UE (C. com., art. D. 221-5). Sont ainsi désormais tenues de désigner un commissaire aux comptes les sociétés commerciales qui dépassent, à la clôture de l’exercice social, deux des trois seuils suivants : total du bilan de 4 000 000 € (contre 1 550 000 € dans l’ensemble des sociétés commerciales hors SA et 1 000 000 € dans les SAS auparavant) ; montant hors taxes du chiffre d’affaires de 8 000 000 € (contre 3 100 000 € et 2 000 000 € dans les SAS auparavant) ; nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice de 50 (contre également 50 et 20 dans les SAS auparavant). Ces seuils sont également applicables en matière d’audit de groupe, au niveau du groupe lui-même, et non de chaque entité qui en fait partie, à ceci près que chaque entité doit cependant, individuellement, dépasser deux des trois seuils suivants : total du bilan de 2 000 000 €, montant du chiffre d’affaires hors taxes de 4 000 000 € et le nombre moyen de salariés de 25 (C. com., art. D. 823-1-1).

Le décret du 24 mai 2019 entre en vigueur le lendemain de son entrée en vigueur le lendemain de sa publication, soit ce 27 mai (et non pas en 2021 comme l’avait souhaité le Sénat). La loi PACTE a toutefois prévu que les mandats en cours à la date de la publication de ce décret se poursuivront jusqu’à leur terme. Sont ici concernés les mandats de commissaires aux comptes désignés dans des entités qui n’atteignent pas les nouveaux seuils à partir desquels une entreprise est soumise à l’obligation de désigner un commissaire aux comptes. On comprend l’empressement des pouvoirs publics à publier le décret d’application. Ils ont visiblement souhaité que ce texte soit publié avant la tenue des assemblées générales annuelles des sociétés amenées, outre à statuer sur l’approbation des comptes de l’exercice 2018, à se prononcer sur le renouvellement du mandat de leur commissaire aux comptes lorsque celui-ci prend fin en 2019. Ainsi pourront-elles se prononcer au regard des nouveaux seuils.

Par ailleurs, le code de commerce encadre, depuis l’ordonnance n° 2016-315 du 17 mars 2016 relative au commissariat aux comptes, l’élaboration des normes d’exercice professionnel (NEP) qui encadrent l’exercice de la mission du commissaire aux comptes. L’article L. 821-14 du code de commerce prévoit un délai à l’issue duquel le garde des Sceaux, l’Autorité des marchés financiers, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ou la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) peut demander au Haut Conseil du commissariat aux comptes d’élaborer la norme. Elle prévoit également un délai au terme duquel la CNCC doit avoir rendu son avis sur le projet de norme d’exercice professionnel. Elle laissait le soin à un décret d’application de fixer ces délais. Mais ce décret n’était toujours pas paru. Le décret du 24 mai 2019 vient opportunément combler cette omission. Il prévoit que le premier délai est fixé à quatre mois à compter de la demande. Quant au second délai, il est fixé à un mois à compter de la réception du projet de norme par la CNCC. À l’expiration de ce délai, l’avis est réputé rendu (C. com., art. D. 821-77).