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Procédure collective : précisions sur l’indemnisation en cas d’annulation de la décision d’homologation d’un PSE

Dans le cadre d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, l’annulation de la décision administrative d’homologation ou de validation d’un PSE ne prive pas les licenciements économiques consécutifs de cause réelle et sérieuse, de sorte qu’est infondée une demande en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents fondée sur l’absence de cause réelle et sérieuse de la rupture de leur contrat de travail. Le salarié ne pourra prétendre qu’à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, cette indemnité étant due quel que soit le motif d’annulation de la décision.

par Loïc Malfettesle 7 mai 2020

L’annulation d’une décision d’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) peut être génératrice d’incertitude quant à l’étendue de l’indemnisation à laquelle peut prétendre le salarié concerné par le plan. Cette incertitude est d’autant plus grande lorsque celle-ci intervient dans un contexte de liquidation judiciaire. Elle peut aussi amener à se questionner sur le point jusqu’où peut aller le juge judiciaire dans son contrôle concernant l’appréciation desdites indemnités.

C’est précisément sur ces questions que l’arrêt du 25 mars 2020 vient apporter des éclaircissements.

En l’espèce, une société a été placée en liquidation judiciaire. Le liquidateur a fixé unilatéralement le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, qui fut homologué par l’administration. Onze salariés ont accepté le contrat de sécurisation professionnelle qui leur avait été proposé dans ce cadre, avant que la décision d’homologation ne se voie annulée par un arrêt de la cour d’appel administrative.

Les salariés intéressés ont alors saisi la juridiction prud’homale d’une demande au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, estimant que le licenciement prononcé dans le cadre d’une liquidation judiciaire en l’absence de plan de sauvegarde de l’emploi, ou en l’état d’un plan insuffisant, est sans cause réelle et sérieuse.

Les juges du fond déboutèrent les salariés de leur demande en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, au motif que – dans l’hypothèse d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire – le code du travail ne prévoit pas « dans le cas notamment de l’annulation d’une décision d’homologation du document fixant le plan de sauvegarde de l’emploi […] que le licenciement doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse », les conséquences de l’annulation de l’homologation d’un PSE devant se limiter à l’indemnisation du salarié licencié, l’indemnité mise à la charge de l’employeur ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Dans la mesure où il était question d’une annulation de la décision d’homologation, la cour d’appel en a déduit que le licenciement « n’est ni sans cause réelle et sérieuse ni assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse », de sorte que les intéressés ne sauraient prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis.

Saisie du pourvoi, la Cour de cassation confirme la décision des juges du fond, l’article L. 1233-58, II, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 prévoit qu’en cas de licenciement intervenu dans une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire, et en l’absence de toute décision relative à la validation ou à l’homologation d’un PSE ou en cas d’annulation de celle-ci, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, cette indemnité étant due quel que soit le motif d’annulation de la décision.

Les hauts magistrats précisent que l’annulation de la décision administrative ne prive pas les licenciements économiques intervenus à la suite de cette décision de cause réelle et sérieuse, de sorte qu’est infondée une demande paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents fondée sur l’absence de cause réelle et sérieuse de la rupture de leur contrat de travail, intervenue à la suite de l’acceptation d’un contrat de sécurisation professionnelle.

Cette solution vient confirmer la ligne jurisprudentielle précédemment dessinée tout en lui apportant une précision de taille. Il avait en effet déjà été jugé que, selon l’article L. 1233-58, II, du code du travail, en cas de licenciements intervenus dans une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire en l’absence de toute décision de validation ou d’homologation de PSE ou en cas d’annulation d’une telle décision, le juge octroie une indemnité d’au moins six mois de salaire, et ceci quel que soit le motif d’annulation. La Cour avait alors précisé qu’en l’absence de disposition expresse contraire, cette indemnité se cumulait avec l’indemnité de licenciement (Soc. 19 déc. 2018, n° 17-26.132, D. 2019. 19 ; ibid. 1558, chron. A. David, F. Le Masne de Chermont, A. Prache et F. Salomon ). Il n’était dès lors pas exclu de penser qu’une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents aurait par ailleurs pu être revendiquée. Telle n’est toutefois pas la solution retenue, accentuant la spécificité du régime applicable en matière de procédure collective.

La Cour de cassation rappelle par ailleurs l’inapplicabilité de l’article L. 1235-16, qui prévoit la possibilité de réintégration du salarié dans l’hypothèse d’une annulation pour un motif autre que l’insuffisance du plan, et accentue de la sorte la césure existant entre les entreprises en procédure collective et celles in bonis, régime spécifique dont on rappellera qu’elle avait été jugée conforme à la Constitution (Cons. const. 13 avr. 2012, n° 2012-232 QPC, Constitutions 2012. 334, obs. C. Radé ).

La chambre sociale va toutefois casser l’arrêt d’appel sur une question – relevée d’office – de compétence juridictionnelle, au visa des articles L. 1235-7-1 du code du travail et 76 du code de procédure civile, et de la loi des 16-24 août 1790.

La haute juridiction rappelle que, lorsque l’administration est saisie d’une demande d’homologation d’un document élaboré en application de l’article L. 1233-24-4 du code du travail, elle doit, sous le contrôle du juge administratif, vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l’emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables (C. trav., art. L. 1233-57-3). Le respect du principe de la séparation des pouvoirs s’oppose alors à ce que le juge judiciaire se prononce sur le respect par l’employeur de stipulations conventionnelles dont il est soutenu qu’elles s’imposaient au stade de l’élaboration du plan de sauvegarde de l’emploi, la vérification du contenu dudit plan relevant de l’administration sous le contrôle du juge administratif.

Les requérants avaient en effet invité le juge judiciaire à se prononcer sur le droit à des indemnités supplémentaires qu’ils tireraient d’une lecture combinée du contenu du PSE et de celui d’un protocole d’accord de méthode antérieurement conclu. Pour la chambre sociale, suivant une interprétation stricte de la ligne dessinée par le Conseil d’État (v. en part. CE 22 juill. 2015, n° 383481, Dalloz actualité, 24 juill. 2015, obs. D. Poupeau ; Lebon ; AJDA 2015. 1444 ; ibid. 1632, chron. J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe ; ibid. 2016. 1866, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ; D. 2016. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2015. 514, concl. G. Dumortier ; ibid. 528, étude F. Géa ), il n’appartenait pas au juge judiciaire de se prononcer sur une telle demande dans la mesure où, sous le couvert de demandes tendant à obtenir l’exécution des engagements énoncés dans le cadre de cet accord, les salariés contestaient le contenu du PSE, dont le contrôle relève de la seule compétence de la juridiction administrative.