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Propriété intellectuelle et modèles de bijoux fantaisie

Dans son arrêt du 21 juin 2023, la Cour d’appel de Paris livre une analyse aussi stricte et détaillée sur l’appréciation de l’originalité de trois modèles de bijoux fantaisie, que rigoureuse et cohérente sur l’existence d’agissements de concurrence déloyale et parasitaire ainsi que d’actes de dénigrement.

De la question de la titularité des droits d’auteur à celle de l’originalité des œuvres, en passant par la concurrence déloyale et parasitaire ainsi que le dénigrement, l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 21 juin 2023 traite méthodiquement des principales problématiques rencontrées en matière d’art appliqué à l’occasion d’un contentieux opposant une société ayant pour activité la création, la fabrication et la commercialisation de modèles de bijoux à une personne physique offrant à la vente, via son site internet, une bague et deux bracelets fantaisie similaires.

Titularité des droits d’auteur

En premier lieu, la cour d’appel, comme le tribunal, commence par rejeter au visa de l’article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle le moyen d’irrecevabilité tiré du défaut de titularité des droits de la demanderesse, estimant que celle-ci bénéficie de la présomption de titularité des droits d’auteur en raison, d’une part, de l’exploitation paisible et continue sous son nom des bijoux (v. en ce sens, Civ. 1re, 4 mai 2012, n° 11-13.116, Dalloz actualité, 21 mai 2012, obs. J. Daleau ; D. 2012. 1264 ; ibid. 2836, obs. P. Sirinelli ; PIBD 2012, III, p. 522 ; JCP 2012. 1649, obs. C. Caron ; Propr. ind. 2012, n° 10, comm. 74, obs. F. Greffe ; CCE 2012, n° 9, chron. 8, obs. A.-E. Kahn) et d’autre part, de l’absence de revendication de l’auteur, personne physique.

Exit donc la question de la cession.

Les juges recherchent minutieusement les actes non équivoques d’exploitation (notamment des extraits de revue de presse et de catalogue ainsi que des factures au nom de la société) et « en l’absence d’éléments contraires » concluent, à bon droit puisqu’il s’agit d’une présomption prétorienne simple, que la société demanderesse est titulaire des droits patrimoniaux d’auteur (et non des droits moraux qui demeurent attachés au créateur, personne physique, sauf en cas d’œuvre collective, v. not., Paris, pôle 5-2, 9 oct. 2020, n° 18/27357, Propr. ind. 2020, n° 12, comm. 72, obs. P. Greffe).

De surcroît, bien que certains des bijoux revendiqués aient été initialement divulgués par l’auteur, personne physique avant qu’il ne crée sa société, les magistrats n’en déduisent, à juste titre, aucune équivoque en relevant que celui-ci, bien que connu, ne revendique plus ses bijoux et a cessé, au surplus, de les exploiter (v. dans le même sens, Civ. 1re, 16 juin 2021 n° 19-24.631, D. 2022. 1433, obs. J.-C. Galloux et P. Kamina ; CCE 2021, n° 9, chron. 9, obs. A.-E. Kahn ; ibid. n° 10, prat. 12 , obs. A. Boissardet Y. Diringer).

En conséquence, cet arrêt témoigne, à supposer que nous puissions encore en douter, de l’abandon de la conception humaniste qui prévalait au milieu du XXe siècle et s’opposait à ce que l’article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle s’applique à une personne morale, nécessitant alors de recourir à l’époque, à la qualification d’œuvre collective, ô combien difficile à démontrer en pratique (v. pour le revirement de jurisprudence, Civ. 1re, 24 mars 1993, AERO, n° 91-16.543 ; RTD com. 1995. 418, obs. A. Françon ; RTD com. 2011. 45 , F. Pollaud-Dulian ; GAPI, 3e éd., Dalloz, 2020, p. 290, comm. 47, obs. A. Robin).

Absence d’originalité et absence de facto...

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