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PSE : les limites du contrôle de la régularité la procédure d’information-consultation des instances représentatives du personnel

Dans le cadre du contrôle qui lui incombe en application du 2° de l’article L. 1233-57-2 du code du travail, il n’appartient pas à l’autorité administrative, lorsque le mandat des membres des institutions représentatives du personnel (IRP) dans l’entreprise a été prorogé par la voie d’un accord collectif conclu en application des dispositions transitoires du 3° du II de l’article 9 de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, d’apprécier si ce mandat a été valablement prorogé par cet accord, à moins que l’autorité judiciaire dûment saisie à cet effet ait jugé que tel n’était pas le cas.

par Sonia Norval-Grivet, Magistratele 13 septembre 2022

Depuis la réforme du 14 juin 2013 modifiant en profondeur la procédure des grands licenciements économiques, le contrôle du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) par le juge administratif s’est ainsi considérablement développé et affiné, à des degrés variables selon que le contentieux concerne l’homologation du document unilatéral ou la validation de l’accord collectif fixant le contenu du plan, sur laquelle le juge administratif exerce un contrôle réel mais moins approfondi, conformément à la promotion législative d’une voie négociée et à la primauté de cette négociation. L’arrêt rendu le 19 juillet dernier apporte une nouvelle pierre à cet édifice, mais peut soulever des questionnements et des incertitudes.

Rappel du cadre juridique

S’agissant de la voie négociée, si l’accord portant PSE doit contenir certaines stipulations obligatoires, le contrôle de ce « noyau dur » du plan par l’administration et partant, le juge administratif, est restreint. Ainsi, le Conseil d’État a précisé, dès l’arrêt fondateur dit Darty du 7 décembre 2015 (CE 7 déc. 2015, n° 383856, Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, Lebon ; AJDA 2016. 645 ; ibid. 1866, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ), que lorsque le contenu du PSE a été déterminé par un accord collectif majoritaire signé dans les conditions prévues à l’article L. 1233-24-1 du code du travail, l’administration doit seulement s’assurer de la présence, dans ce plan, de mesures visant à faciliter le reclassement, sans pouvoir apprécier la suffisance de ces mesures.

De même, le contrôle de la détermination des catégories professionnelles concernées par le licenciement est limité, l’administration ne pouvant refuser de valider un accord que si ces stipulations, même fondées sur des considérations étrangères à celles qui permettent de regrouper les salariés par fonctions ou ayant pour but de permettre le licenciement de salariés affectés sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée, sont entachées de nullité, en raison notamment de leur caractère discriminatoire (CE 7 févr. 2018, n° 403989, Polymont (Sté), Lebon ; D. 2018. 813, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2018. 663, étude Y. Pagnerre et S. Dougados ; RDT 2018. 213, obs. F. Géa ).

Authenticité de la négociation et régularité de la procédure

La primauté de la négociation collective – et la souplesse ainsi laissée aux partenaires sociaux quant à son contenu – nécessite toutefois, pour être efficiente, d’être entourée de garanties procédurales qui en assurent l’authenticité, tant au niveau des conditions de signature de l’accord qu’au niveau de la procédure d’information-consultation des instances représentatives du personnel. Pour reprendre une expression utilisée lors des débats parlementaires relatifs à l’adoption de la réforme de 2013, l’administration se voit confier le rôle de « l’État garant du dialogue social » (Rapport de M. Jeannerot au Sénat, n° 501, séance du 11 avr. 2013, p. 237).

Aussi le Conseil d’État impose-t-il à l’administration, conformément aux articles L. 1233-57-2 et L. 1233-24-1 du code du travail, de contrôler la qualité des signataires de l’accord majoritaire, en prenant en compte l’audience électorale des syndicats signataires représentatifs au niveau de l’entreprise, ou le critère de transparence financière des syndicats (CE 22 juill. 2015, n° 385668, Pages Jaunes (Sté), AJDA 2015. 1444 ; ibid. 1632 , chron. J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe ; D. 2016. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2015. 514, concl. G. Dumortier ; ibid. 528, étude F. Géa ; 5 mai 2017, n° 389620, Fédération des services CFDT, Lebon avec les conclusions ; AJDA 2017. 964 ; ibid. 1217 , chron. G. Odinet et S. Roussel ; D. 2017. 2270, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2017. 486, obs. F. Géa ; ibid. 556, obs. I. Odoul-Asorey ; 12 juin 2019, n° 420084, Lebon ; AJDA 2019. 2157 ; 6 avr. 2022, n° 444460, Imprimerie du midi (Sté), Lebon ; RDT 2022. 307, obs. F. Géa ), ou encore les conditions de conclusions de l’accord au niveau de l’UES (CE 2 mars 2022, n° 438136, Ministre du Travail, de l’emploi et de l’insertion, Lebon ; RDT 2022. 240, obs. M. Kocher ).

S’agissant de la procédure d’information-consultation des instances représentatives du personnel, l’article L. 1233-30 du code du travail prévoit, quelle que soit la voie (unilatérale ou négociée) d’élaboration du PSE, la réunion et la consultation du comité social et économique sur l’opération projetée et ses modalités d’application – et, seulement en cas de PSE adopté par voie unilatérale, sa consultation sur le projet de licenciement collectif.

Le contrôle de la régularité de cette procédure d’information-consultation entre, fort logiquement et sous peine de priver de tout effet ces exigences légales pourtant essentielles, dans le champ du contrôle devant être opéré par l’administration avant toute décision d’homologation du document élaboré par l’employeur (C. trav., art. L. 1233-57-3) ou de validation de l’accord collectif (article L. 1233-57-2 du même code).

Le Conseil d’État a très tôt précisé, dès ses arrêts de principe Heinz (CE 22 juill. 2015, n° 385816, Heintz, Dalloz actualité, 24 juill. 2015, obs. D. Poupeau ; AJDA 2015. 1444 ; ibid. 1632 , chron. J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe ; D. 2016. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2015. 514, concl. G. Dumortier ; ibid. 528, étude F. Géa ; ibid. 2016. 113, obs. C. Gilbert ), British Airways (CE 22 mai 2019, n° 420780, Lebon ; D. 2019. 2153, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2019.574, obs. F. Géa ), Darty (CE 7 déc. 2015, préc.) et Pages jaunes (préc.), que l’administration doit s’assurer de la régularité de la procédure d’information et de consultation et qu’elle ne peut légalement accorder cette homologation que si le comité a été mis à même d’émettre régulièrement un avis sur l’opération projetée et ses modalités d’application (et, en cas de décision unilatérale, sur le projet de licenciement collectif). Quel que soit le formalisme imposé par le code du travail, ce contrôle est toutefois exercé avec un certain pragmatisme sous le prisme de l’exigence selon laquelle l’instance doit avoir été amenée à se prononcer « en toute connaissance de cause et dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d’avoir faussé sa consultation ».

Cette exigence d’information complète et loyale des instances représentatives n’en demeure pas moins, quelles que soient les modalités d’élaboration - unilatérale ou négociée - du plan, essentielle : il appartient au juge, lorsqu’il constate que la procédure a été irrégulière, d’annuler la décision de validation ou d’homologation, sans avoir à rechercher l’influence exercée par cette irrégularité sur la décision en litige ni à examiner si elle a privé les salariés...

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