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Quel point de départ du délai de péremption en cas d’interruption de l’instance ?

Lorsqu’à défaut de reprise d’instance après l’interruption de celle-ci par la notification de la radiation d’une société, une ordonnance de radiation est rendue par le juge, le délai de péremption recommence à courir à compter de la notification, par le greffe, ou de la signification, à la diligence d’une partie, de cette ordonnance de radiation, qui informe les parties des conséquences du défaut de diligences de leur part dans le délai de deux ans imparti. À défaut de justification dans le dossier de la notification ou de la signification de l’ordonnance de radiation, le délai de péremption n’a pu recommencer à courir.

Lorsqu’à défaut de reprise d’instance après l’interruption de celle-ci par la notification du décès d’une partie, une ordonnance de radiation est rendue par le juge, le délai de péremption recommence à courir à compter de la notification, par le greffe, ou de la signification, à la diligence d’une partie, de cette ordonnance de radiation, qui informe les parties des conséquences du défaut de diligences de leur part dans le délai de deux ans imparti. Encourt dès lors la cassation, l’arrêt qui retient que le point de départ du délai de péremption se situe au jour de la notification aux autres parties du décès.

Les deux arrêts rendus le 21 décembre 2023 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation doivent être appréhendés comme des décisions de principe. Ils statuent dans un cas de figure complexe qui résulte de la succession de plusieurs évènements : une instance est interrompue (dans un cas, par la radiation d’une société du RCS après sa liquidation, dans l’autre par le décès – notifié – d’un plaideur), puis l’instance est radiée faute de reprise d’instance alors que le juge avait enjoint aux parties d’effectuer cette reprise, enfin elle est reprise hors de ce délai.

Le juge peut-il déclarer périmée l’instance interrompue, ultérieurement radiée, et non reprise dans le délai imparti pour ce faire ? Oui, si le délai de péremption est acquis, non s’il ne l’est pas. Tout dépend alors du point de départ du délai de péremption ; or quel est-il ? Quel est l’évènement qui fait courir les deux ans de l’article 386 du code de procédure civile ? Les arrêts ici commenté apportent une réponse raisonnable et qui devra être retenue.

En préalable, remarquons que les deux décisions sont l’occasion de revenir sur la mise en œuvre du principe traditionnel aux termes duquel le procès est la chose des parties. Si les articles 1er et 2 du code de procédure civile donnent aux parties la liberté d’introduire l’instance et le pouvoir de la conduire (« sous les charges qui leur incombent » pour ce deuxième texte), les dispositions de l’article 3 du même code limite fortement leur disposition du procès : en effet, « le juge veille au bon déroulement de l’instance ; il a le pouvoir d’impartir les délais et d’ordonner les mesures nécessaires », de sorte que le temps du procès échappe aux parties (sauf la liberté – conférée par l’article 1er – d’y mettre fin avant qu’il ne s’éteigne par l’effet du jugement ou en vertu de la loi). Notons que le pouvoir du juge s’est trouvé renforcé au fil des réformes et, pour ce qui concerne la péremption, par le décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 : il a donné au juge le pouvoir de relever d’office la péremption d’instance « après avoir invité les parties à présenter leurs observations. » (C. pr. civ., art. 388, al. 2, mod. par le décr. n° 2017-892)

Dans l’affaire n° 17-13.454 (v. aussi, Civ. 2e, 15 févr. 2018 et 20 sept. 2018, même numéro, qui aident à comprendre la chronologie), il s’agit d’un différend entre une société et l’URSAFF, qui est porté devant une juridiction de sécurité sociale, puis une cour d’appel et la Cour de cassation : c’est l’URSSAF qui se pourvoit en cassation le 17 février 2017. Entre-temps, le 19 janvier 2017, la société fait l’objet d’une dissolution, d’une liquidation puis d’une radiation du RCS. Le 15 février 2018, la Cour de cassation constate l’interruption de l’instance et impartit un délai pour sa reprise (par la nomination d’un administrateur ad hoc). Faute que ce délai soit respecté, la Cour prononce la radiation, le 20 septembre 2018. Plus tard, l’URSAFF dépose des conclusions de reprise d’instance devant la Cour de cassation (au motif qu’un administrateur ad hoc avait été désigné le 5...

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