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Référé pour violation du droit d’agir en justice : justifié en cas de détournement de procédure

L’avis d’incompatibilité émis par l’autorité administrative sur le fondement du premier alinéa de l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure a pour seul effet de faire obstacle à l’affectation d’une personne concernée sur le poste envisagé mais ne peut justifier un licenciement. Une telle mesure n’est autorisée que sur le fondement d’un avis d’incompatibilité délivré en application du deuxième alinéa de l’article L. 114-2, à l’issue du recours spécifique exercé le cas échéant par l’intéressé. La saisine de l’administration par l’employeur sur le fondement du premier alinéa de cet article alors que le salarié occupe déjà un emploi en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens au sein d’une entreprise de transport public de personnes et relève à ce titre du deuxième alinéa constitue un détournement de procédure privant l’intéressé du recours suspensif prévu par le texte et rend le licenciement nul pour violation de la liberté fondamentale d’agir en justice.

La procédure de référé présente un réel avantage dans le cadre du contentieux en droit social, en ce qu’il permet de redonner sens – par sa rapidité d’exécution – à l’option de réintégration offerte au salarié victime d’un licenciement entaché de nullité (v., en matière de contentieux sur le fond, Soc. 30 avr. 2003, n° 00-44.811 P, Groupe Promotrans (Assoc.), D. 2004. 178, et les obs. , obs. B. Lardy-Pélissier ; Dr. soc. 2003. 827, note B. Gauriau ; RJS 7/2003, n° 869). Rappelons en effet qu’en cas de nullité du licenciement, l’employeur est tenu de faire droit à la demande de réintégration du salarié (Soc. 14 févr. 2018, n° 16-22.360, RJS 5/2018, n° 325). L’article R. 1455-6 du code du travail permet en effet à la formation de référé, même en présence d’une contestation sérieuse, de prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite. La jurisprudence en la matière a du reste précisé que la constatation de l’urgence n’est pas une condition de la prise en compte du trouble manifestement illicite (Soc. 15 mars 1984, n° 82-12.570 P). Il faut – mais il suffit – démontrer l’existence d’un trouble dont le caractère illicite est manifeste, tel que peut l’être la violation d’une liberté fondamentale. Le droit d’agir en justice en est sans conteste une, et le fait pour l’employeur de détourner une procédure normalement inapplicable ayant pour effet d’évincer la possibilité offerte au salarié d’exercer une voie de recours suspensive traduit indéniablement une telle violation manifestement illicite. C’est ce que confirme la chambre sociale de la Cour de cassation par son arrêt du 19 octobre 2022 sur fond de procédure applicable aux salariés des entreprises de transport public de personne affectés sur des emplois en lien direct avec la sécurité des usagers.

En l’espèce, un salarié de la RATP tenant les fonctions...

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