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Réforme de la carte judiciaire : « L’hiver vient et vous ne voyez rien ! »

Nicole Belloubet s’est rendue hier à la Convention nationale des avocats, qui s’est ouverte à Bordeaux. Répondant aux craintes exprimées par une partie de la profession, elle a, de nouveau, affirmé qu’elle ne fermerait aucun lieu de justice.

par Anne Portmannle 20 octobre 2017

C’est Raphaël Monroux, le bâtonnier du barreau de Libourne, qui organisait avec celui de Bordeaux la septième édition de la Convention nationale des avocats, qui a exprimé, devant la garde des Sceaux, les préoccupations d’une partie de la profession quant à la réforme annoncée de la carte judiciaire (v. Dalloz actualité, 4 oct. 2017, art. T. Coustet isset(node/186895) ? node/186895 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>186895). Très applaudi par la salle, il a exhorté la ministre à ne pas oublier « les ploucs », traduisant les craintes des avocats de voir disparaître certaines juridictions provinciales.

« Des principes fondamentaux traduits en ligne de code »

Profitant de la large audience qui lui était donnée – plus de 5 000 avocats participent cette année à la Convention – le jeune bâtonnier a voulu dire à ses confrères et à la ministre « ce qu’il avait sur le cœur », et même le « crier ». Faisant allusion à la série américaine Game of Thrones, il s’est amusé à paraphraser l’un de ses héros, Jon Snow, qui tente d’avertir le pouvoir du danger qui menace : « L’hiver vient et vous ne voyez rien ! »

L’avocat a donc dit son inquiétude face à la justice du futur que l’on annonce. Une justice numérisée et aseptisée. « La voulons-nous, cette justice à la mode, sans gluten, dégraissée de l’homme ? Voulons-nous voir nos principes fondamentaux traduits en lignes de code ? Est-ce cela notre destin ? » Plaidant pour que « la machine reste un simple outil », le bâtonnier a demandé à la garde des Sceaux de ne pas laisser la justice « à des bobos mal rasés qui se déplacent à vélo, en laissant crever les ploucs ».

Le bâtonnier de Bordeaux, Arnaud Horrenberger, a dit la même chose. « Le monde du droit et de la justice souhaite avoir le garde des Sceaux comme interlocuteur, et non le ministre du budget », a-t-il lancé, se demandant ce que serait la définition des « petits litiges » qui pourraient être réglés en ligne, via internet. « Est-ce que ce sera une justice de petites gens ? », a-t-il interrogé, appelant, pour éviter cet écueil, à renforcer l’État de droit en intégrant le droit à l’avocat dans la Constitution.

« La tempête ne viendra pas », a rétorqué le président du Conseil national des barreaux (CNB). La réforme territoriale est certes « une question difficile » mais elle relève, désormais, de « l’exception, si ce n’est de l’histoire », a-t-il poursuivi. « Les sites, les plateformes, les réseaux sociaux sont désormais nos territoires ». Le Conseil national des barreaux doit œuvrer « chaque jour à l’avocat de demain ». Dès lors, a déclaré l’avocat, « célébrer la culture du passé comme un âge d’or serait vain ». Le président de l’institution représentative des avocats veut au contraire « porter un regard lucide et profond sur l’avenir »

« Je ne fermerai aucun lieu de justice »

« Je ne ferai pas comme mon prédécesseur », a alors affirmé en substance la garde des Sceaux, consciente du traumatisme causé par la précédente réforme de la carte judiciaire, il y a dix ans. Plus spécialement, en ce qui concerne les « craintes sur l’adaptation de l’organisation judiciaire », la ministre a souligné que le chantier serait piloté par deux avocats, Dominique Raimbourg et Philippe Houillon « qui travailleront avec tous les acteurs du secteur ». « Je le dis et je le redis, a-t-elle martelé, ces évolutions se construiront en conservant les implantations actuelles. Je ne fermerai aucun lieu de justice. »

Le Syndicat de la magistrature a adressé, hier, une lettre ouverte à la ministre de la justice, s’opposant fermement à la suppression de juridictions. Les avocats du barreau de Nîmes, estimant l’existence de la cour d’appel menacée, ont appelé à un « rassemblement républicain » le 13 novembre prochain, pour s’opposer à sa suppression.

 

 

 

« Les avocats seront un acteur clé de la modernisation »
Pascal Eydoux a également appelé ses confrères à exiger « la rénovation » de la gouvernance de la profession. Pour lui, cette réforme, véritable « révolution culturelle », devra se faire de « façon simple et tranquille, et pas contre les ordres, car ce serait une faute politique ». Fustigeant à demi-mot les monopoles dont bénéficient notaires et avocats aux conseils, il a demandé à ce que l’acte contresigné d’avocat bénéficie de la force exécutoire, à l’instar des décisions des directeurs des caisses d’allocations familiales. « Il faut créer avec le justiciable une alliance nouvelle, qui permettra à chacun l’accès au droit et lorsque nous le définirons, l’accès au juge. .

Nicole Belloubet a souligné que « la création de structures interprofessionnelles répond à votre souhait d’extension de compétence » et doit être prise comme une marque de confiance, car elle permet « le partage de clients, de gains et de pertes avec des officier ministériels ». La question de la formule exécutoire serait abordée dans les consultations lancées dans le cadre des cinq grands chantiers de la justice (v. Dalloz actualité, 9 oct. 2017, art. T. Coustet isset(node/186975) ? node/186975 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>186975). « Les avocats seront un acteur clé de la modernisation », a-t-elle rappelé, pointant du doigt le fait que, parmi les chefs de file des cinq grands chantiers en cours, figuraient cinq avocats.