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Refus d’accès au dossier de la procédure pour la partie civile dont la constitution est contestée

Les dispositions de l’article 87 du code de procédure pénale telles qu’interprétées par la Cour de cassation n’envisagent pas la transmission des pièces du dossier à la partie civile dont la constitution est contestée et ce afin de préserver le secret de l’instruction.

par Sofian Goudjille 30 avril 2021

La Cour européenne des droits de l’homme énonce de manière constante que la notion de procès équitable implique en principe le droit pour les parties de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge et de la discuter (v. CEDH 20 févr. 1996, n° 15764/89, Lobo Machado c/ Portugal, Rec. CEDH 1996, § 31 ; AJDA 1996. 1005, chron. J.-F. Flauss ; ibid. 1997. 977, chron. J.-F. Flauss ; RTD civ. 1996. 1028, obs. J.-P. Marguénaud ; ibid. 1997. 1006, obs. J.-P. Marguénaud ; RTD eur. 1997. 373, note F. Benoît-Rohmer ; 20 févr. 1996, n° 19075/91, Vermeulen c/ Belgique, Rec. CEDH 1996-I, § 33 ; AJDA 1996. 1005, chron. J.-F. Flauss ; D. 1997. 208 , obs. N. Fricero ; RTD civ. 1996. 1028, obs. J.-P. Marguénaud ; ibid. 1997. 992, obs. R. Perrot ; ibid. 1006, obs. J.-P. Marguénaud ; RTD eur. 1997. 373, note F. Benoît-Rohmer  ; 18 févr. 1997, n° 18990/91, Nideröst-Huber c/ Suisse, § 23, AJDA 1997. 977, chron. J.-F. Flauss ; 11 oct. 2005, n° 45228/99, Spang c/ Suisse, AJDA 2006. 466, chron. J.-F. Flauss ).

Dans chaque affaire, le souci principal de la Cour est d’apprécier l’équité globale du procès pénal, ce qui s’opère au cas par cas, à l’aune de la conduite de la procédure dans son ensemble et non en se fondant sur l’examen isolé de tel ou tel point ou incident.

À ce titre, le « droit à un tribunal » tel que prévu par cet article n’est pas plus absolu tant en matière pénale qu’en matière civile et il se prête à des limitations implicites (CEDH 27 févr. 1980, n° 6903/75, Deweer c/ Belgique, § 49 ; 8 juill. 2008, n° 8917/05, Kart c/ Turquie [GC], § 67, AJDA 2008. 1929, chron. J.-F. Flauss ).

Comme le rappelle cet arrêt rendu par la chambre criminelle le 30 mars 2021, la préservation du secret de l’instruction et des droits des parties régulièrement constituées ou reconnues par la loi constitue l’une de ces limitations.

En l’espèce, une enquête préliminaire a été ouverte à la suite de la révélation de l’existence d’un système de fausses factures au sein d’un groupe de société. Les investigations diligentées dans ce cadre ont conduit à suspecter une fraude par surévaluation des actifs de plusieurs sociétés du groupe.

Les enquêteurs se sont interrogés sur les contrôles réellement effectués au sein de ces sociétés par les commissaires aux comptes et ils ont estimé possible que ceux-ci aient eu connaissance des irrégularités.

Le Haut conseil au commissariat aux comptes a de son côté transmis au procureur de la République un signalement sur la base de l’article 40 du code de procédure pénale mettant notamment en cause deux cabinets commissaires aux comptes de plusieurs sociétés du groupe pour des faits de communication d’informations mensongères et de non-révélation de faits délictueux.

Une information a alors été ouverte des chefs notamment de diffusion d’informations mensongères sur la situation d’une personne morale par commissaire aux comptes, non-révélation au parquet de faits délictueux par commissaire aux comptes, abus de biens sociaux, banqueroute, escroquerie, faux et usage de faux, présentation ou publication de comptes annuels inexacts et entrave à l’exercice des fonctions de commissaire aux comptes.

Les deux cabinets se sont constitués partie civile devant le juge d’instruction des chefs de faux, d’usage de faux et d’obstacle aux vérifications ou contrôle des commissaires aux comptes.

Le juge d’instruction a cependant déclaré irrecevables ces constitutions de partie civile, raison pour laquelle les intéressés ont interjeté appel de la décision.

Par un arrêt du 22 juin 2020, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance frappée d’appel.

Les deux cabinets ont alors formé un pourvoi en cassation le 26 juin 2020.

Le premier moyen fait grief à l’arrêt de rejeter l’exception de nullité de l’ordonnance déclarant irrecevable la constitution de partie civile des requérants alors que la déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 87 du code de procédure pénale priverait la décision de base légale ; que les requérants n’avaient pas été mis en mesure de présenter leurs observations devant le juge d’instruction en violation des principes du droit au recours, du contradictoire et de l’égalité des armes ; que les requérants n’avaient pas été informés par le juge d’instruction de son intention de déclarer d’office leur constitution de partie civile irrecevable ni reçu communication des réquisitions d’irrecevabilité du procureur...

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