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Règlement intérieur et charte d’entreprise : licéité du contrôle d’alcoolémie

Le recours à un contrôle d’alcoolémie, prévu par un règlement intérieur, permet valablement à l’employeur de constater l’état d’ébriété d’un salarié appartenant à une catégorie particulière du personnel et ne constitue pas une atteinte à une liberté fondamentale.

par Bertrand Inesle 21 avril 2015

Le règlement intérieur est l’acte écrit par lequel l’employeur détermine notamment les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l’entreprise ainsi que les règles générales et permanentes relatives à la discipline (C. trav., art. L. 1321-1). Son contenu doit être déterminé avec soin, d’une part, parce qu’il ne fait peser sur les salariés la charge de devoirs et prescriptions à respecter qu’à la condition d’être licite, de ne pas porter une atteinte injustifiée et excessive sur les droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives, et de ne pas être discriminatoire (C. trav., art. L. 1321-3), d’autre part, parce qu’en édictant ces règles, l’employeur est susceptible de limiter, tout du moins en partie, l’exercice de son pouvoir de direction et disciplinaire (sur ce point, V. A. Supiot, La réglementation patronale de l’entreprise, Dr. soc. 1992. 215, spéc. n° 28 ).

Ce sont deux problèmes totalement inédits, portant sucessivement sur ces deux points, que la Cour de cassation a eu à trancher. Ils avaient en commun d’être relatifs à un contrôle d’alcoolémie qu’un employeur avait décidé d’imposer aux salariés dans le cadre du règlement intérieur mis en place au niveau de l’entreprise. Un des salariés, chauffeur routier, a été mis à pied à titre conservatoire, à la suite d’un test d’alcoolémie pratiqué sur lui après sa prise de poste, puis licencié pour faute grave, notamment pour s’être trouvé en état d’ébriété sur son lieu de travail. Employeur et salarié n’ont pas obtenu satisfaction de leurs demandes devant la cour d’appel saisie.

1. Dans un premier temps, le salarié conteste avoir été débouté de sa demande en nullité du licenciement. Selon lui, le fait de soumettre un salarié à un contrôle d’alcoolémie en dehors du lieu de travail, en méconnaissance des modalités prescrites par le règlement intérieur de l’entreprise, caractérise la violation d’une liberté fondamentale. La Cour de cassation estime, cependant, que ne constitue pas une atteinte à une liberté fondamentale, le recours à un contrôle d’alcoolémie permettant de constater l’état d’ébriété d’un salarié au travail, dès lors qu’eu égard à la nature du travail confié à ce salarié, un tel état d’ébriété est de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger, et que les modalités de ce contrôle prévues au règlement intérieur, en permettent la contestation, peu important qu’il s’effectue, pour des raisons techniques, hors de l’entreprise.

La Cour réitère une solution acquise depuis plus de dix ans (V. Soc. 22 mai 2002, n° 99-45.878, Bull. civ. V, n° 176 ; D. 2002. 1806 ; Dr. soc. 2002. 781, obs. F. Duquesne ; JCP 2002. II. 10132, note D. Corrignan-Carsin ; 24 févr. 2004, n° 01-47.000, Bull. civ. V, n° 60), initialement découverte par le Conseil d’État (V. CE 1er févr. 1980, n° 06361, Dr. soc. 1980. 310, concl. A. Bacquet ; 8 juill. 1988, n° 71484, Lebon T. 1043 ; D. 1990. 134 , obs. D. Chelle et X. Prétot ; 12 nov. 2012, n° 349365, Dalloz actualité, 9 janv. 2013, obs. J. Siro ; Lebon ; AJDA 2013. 385 ; D. 2012. 2810 ; RDT 2013. 413, obs. N. Olszak ; JCP S 2013. 1099, obs. P. Rozec et V. Manigot) et confortée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) (en matière de test urinaire, V. CEDH 7 nov. 2002, n° 58341/00, Madsen c/ Danemark, D. 2005. 36 , note J. Mouly et J.-P. Marguénaud ; JCP E 2004. 334, n° 6, obs. J. Raynaud ;...

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