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Retour sur la portée des lois de validation

Une validation législative influant sur un litige futur dont les juridictions ne sont pas encore saisies à la date de l’adoption de la loi n’est pas susceptible d’être critiquée au regard de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme.

par Jean-Denis Pellierle 3 décembre 2018

Le célèbre article 2 du code civil prévoit que « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ». Toutefois, cette règle n’ayant pas de valeur constitutionnelle, le législateur peut naturellement y déroger en déclarant une loi rétroactive (contrairement au juge, v. Civ. 2e, 27 avr. 1988, n° 86-13.899 : « en l’absence de volonté contraire expressément affirmée, la loi ne produit effet que pour l’avenir »). Certaines lois sont même, par hypothèse, dotées d’un tel effet. Tel est le cas des lois de validation, ayant « pour objet d’éviter la nullité d’actes encourue sous l’empire de la loi ancienne en édictant une règle qui permet de les considérer rétroactivement réguliers » (J.-L. Aubert et E. Savaux, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, 17e éd., Sirey, 2018, n° 108, p. 111). Ce fut l’objet de l’article 87, I, de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, adoptée afin de valider des offres de prêt immobilier qui étaient déclarées nulles par la jurisprudence au motif qu’elles ne comportaient pas d’échéancier faisant apparaître les parts d’amortissement du capital et des intérêts.

Dans un arrêt du 14 novembre 2018, la première chambre civile a été amenée à se prononcer à nouveau sur la conformité de cette loi à l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, consacrant le droit à un procès équitable. En l’espèce, le 16 septembre 1989, un emprunteur a accepté une offre de prêt immobilier émise par une banque. À la suite de sa défaillance, la banque lui a délivré, le 2 février 1999, un commandement de payer valant saisie immobilière, puis l’a assigné devant le juge de l’exécution. Après l’adjudication du bien saisi, l’emprunteur a contesté le montant de la collocation de la banque.

Dans un arrêt du 5 janvier 2016, la cour d’appel de Paris considéra que l’offre de prêt émise en 1989 par la banque ne comportant pas le détail du capital remboursé et de l’intérêt payé pour chaque échéance de l’emprunt n’en demeurait pas moins régulière dès lors que cette offre de prêt indiquait le montant détaillé des échéances, leur périodicité, leur nombre, les modalités de leur variation, et contenait les informations nécessaires et suffisantes à l’information de l’emprunteur, faisant ainsi une application rétroactive de la loi du 12 avril 1996. En conséquence, la demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels formulée par l’emprunteur fut rejetée. Ce dernier se pourvut en cassation, estimant que l’application rétroactive de la loi du 12 avril 1996 n’était nullement justifiée par un impérieux motif d’intérêt général et que les juges du fond auraient donc violé l’article 6, § 1, de la Convention européenne, ensemble l’article 5, 2, de la loi du 13 juillet 1979, alors en vigueur.

Le pourvoi est cependant rejeté au motif « qu’une validation législative influant sur un litige futur dont les juridictions ne sont pas encore saisies à la date de l’adoption de la loi n’est pas susceptible d’être critiquée au regard de l’article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’il ressort des productions que l’instance a été introduite après l’entrée en vigueur de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 ; qu’il en résulte que l’application rétroactive de celle-ci au prêt litigieux n’a pu porter...

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