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La saisine du bâtonnier et les exigences de l’article 58 du code de procédure civile

La réclamation soumise au bâtonnier dans le cadre d’une procédure de contestation d’honoraires échappe aux prévisions de l’article 58 du code de procédure civile.

par Jérémy Jourdan-Marquesle 13 juin 2018

Un avocat s’est vu confier la défense des intérêts d’un particulier dans diverses procédures. À la suite d’un différend sur les honoraires, l’avocat, qui s’était déchargé des intérêts de son client, a saisi le bâtonnier de son ordre. Dans son acte de saisine du bâtonnier, l’avocat demandeur s’est dispensé du respect des exigences de l’article 58 du code de procédure civile, en ne mentionnant pas « les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige ». Le bâtonnier de l’ordre a fait droit à la demande de l’avocat et a fixé le montant des honoraires dus. Le défendeur a formé un recours contre cette décision. Dans un arrêt du 21 mars 2017, la cour d’appel de Lyon a débouté l’appelant de sa demande tendant à voir prononcer l’annulation de la décision du bâtonnier.

Un pourvoi est formé, lequel reproche à la cour d’appel d’avoir violé les articles 56 et 58 du code de procédure civile et l’article 175 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat en n’ayant pas retenu la nullité de l’acte introductif d’instance pour non-respect des mentions légales.

Le pourvoi est rejeté par la Cour de cassation au motif que « que la réclamation soumise au bâtonnier en matière d’honoraires, prévue par l’article 175 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 qui instaure une procédure spécifique, échappant aux prévisions de l’article 58 du code de procédure civile, c’est à bon droit que le premier président a rejeté la demande de nullité ».

Le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat contient de nombreuses dispositions relatives aux éventuelles difficultés pouvant surgir dans le cadre de l’exercice de la profession d’avocat. Les différentes procédures envisagées par le texte sont plus ou moins détaillées. À ce titre, l’article 277 du décret est particulièrement important, puisqu’il énonce qu’« il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n’est pas réglé par le présent décret ». Autrement dit, deux hypothèses sont envisageables : soit la procédure est suffisamment réglée par le décret et bénéficie d’une autonomie procédurale ; soit elle ne l’est pas et il convient de renvoyer au droit commun de la procédure civile (v., dernièrement, Civ. 1re, 3 mai 2018, n° 17-16.454, Dalloz actualité, 17 mai 2018, obs. J. Jourdan-Marques isset(node/190541) ? node/190541 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>190541).

En ce qui concerne la procédure de contestation d’honoraires, celle-ci fait l’objet de développements aux articles 174 à 179 du décret. C’est précisément ce que signale la Cour de cassation, qui mentionne le caractère « spécifique » de cette procédure. L’introduction de l’instance est notamment prévue à l’article 175, alinéa 1er, qui énonce que « les réclamations sont soumises au bâtonnier par toutes parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise contre récépissé ».

Se pose alors la question de savoir si des formalités supplémentaires doivent être ajoutées à celles prévues par cette disposition, notamment celles visées à l’article 58 du code de procédure civile (ou 56, lequel est visé par le pourvoi). Cette disposition prévoit que la demande contient plusieurs mentions obligatoires exigées à peine de nullité. Le décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la procédure civile à la communication électronique et à la résolution amiable des différends a ajouté une exigence à l’article 58, qui est que, « sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public, la requête ou la déclaration qui saisit la juridiction de première instance précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige ».

La réponse de la Cour de cassation ne laisse pas de place à l’ambiguïté : la mention des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige n’est pas exigée à peine de nullité de l’acte introductif d’instance en matière de contestation des honoraires.

Ceci étant, l’arrêt interroge sur sa portée. La formule retenue par la Cour de cassation est générale et laisse entendre que cette procédure échappe totalement aux prévisions de l’article 58 du code de procédure civile. Si une telle solution favorise une procédure peu formaliste, on peut tout de même s’interroger sur sa viabilité. Comment réagir face à un acte dépourvu du nom ou du prénom du demandeur ou du défendeur, ou encore non daté ou signé ? Peut-on alors véritablement se passer du droit commun pour résoudre cette difficulté ? En définitive, si l’on peut comprendre la volonté de la Cour de cassation de ne pas soumettre cette action aux exigences du code de procédure civile, il n’en demeure pas moins qu’un retour au droit commun sera souvent nécessaire.