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Un policier condamné pour avoir ouvert le feu sur une voiture : « On est passé à trois ou quatre centimètres de la mort »

Après la relaxe du conducteur (et plusieurs renvois), les circonstances dans lesquelles un fonctionnaire avait à deux reprises ouvert le feu sur une voiture dans le Bois de Boulogne, en avril 2019, étaient examinées à Paris la semaine dernière. Le gardien de la paix a plaidé la « légitime défense d’autrui », sans convaincre le tribunal.

par Antoine Bloch, Journalistele 21 avril 2023

Il y a quatre ans, quasiment jour pour jour, une interpellation tournait mal dans le Bois de Boulogne. Sur la vidéo projetée devant la 10e chambre correctionnelle parisienne (et qui avait déjà « fuité » via le site de Mediapart), on peut voir un SUV, avec six occupants à bord (pour certains mineurs), descendre une allée du bois et s’immobiliser à un feu. Trois berlines arrivent à vive allure et l’encadrent. Ce sont les véhicules banalisés de trois brigades anti-criminalité (BAC) distinctes. Le SUV fait une marche arrière et percute la voiture de celle de Boulogne-Billancourt. Le fonctionnaire qui se trouve sur la banquette arrière descend précipitamment, et ouvre le feu. Nouvelle marche arrière, nouvelle « percussion », seconde ouverture de feu. Le procès-verbal d’interpellation relate un appel sur les ondes, mentionnant les marque, modèle et immatriculation du SUV, et précisant que les occupants seraient impliqués dans le vol du sac à main d’une prostituée (ce message ne sera jamais retrouvé sur les enregistrements). Il précise également les actions du gardien de la paix Alexis B. Au moment du premier choc, ce dernier met pied à terre et se joint à ses collègues, lesquels sont « revêtus de [leurs] tenues bourgeoises et porteurs de [leurs] brassards et de [leurs] cartes de réquisition ». Puis, constatant la (double) tentative de fuite du conducteur, il tire à deux reprises sur le côté gauche du SUV, pour assurer la sécurité de deux de ses collègues, positionnés respectivement à droite et face au véhicule.

C’est ainsi que Paul R. est renvoyé en correctionnelle, pour violences volontaires avec arme (par destination) sur personnes dépositaires de l’autorité publique (PDAP). Partie civile, Alexis B. réclame d’ailleurs à cette occasion 800 € de dommages-intérêts. Mais à la vue de la vidéo, le tribunal relaxe Paul R. : les policiers sont bien en « tenue bourgeoise », mais aucun ne porte son brassard ni ne dégaine sa carte. La version du conducteur, qui soutient avoir cru, dans la précipitation, à un assaut par des malfaiteurs et non une interpellation par des policiers, se tient. Pour l’acte II, les places sont donc inversées. Sur les bancs (ou plus exactement, les strapontins) des parties civiles, se tiennent Paul R. et son passager de ce soir-là, Arman C. Alexis B. leur fait face, prévenu de deux faits de violences volontaires par PDAP avec usage d’une arme : « en l’espèce, […] sans être revêtu des insignes extérieurs et apparents de sa qualité », annonce le rôle. Dans un cas (celui du passager), l’ITT est inférieure à huit jours ; dans l’autre (celui du conducteur), elle est estimée à plus de trente jours, du fait d’un « retentissement psychologique sévère ».

Du rapport, il ressort que ce sont les deux autres équipages de BAC (Paris XVI et Paris XVII) qui ont mis sur pied cette interpellation, avant d’appeler en renfort celle de la petite couronne, et décidé « de ne pas actionner les avertisseurs sonores et lumineux », pour conserver un « effet du surprise ». Tous les...

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